Élie Maure

Recroquevillé comme une larve dans mon manteau dont le tissu raidit par le froid crissait telle une vieille peau, j'écoutais la rumeur de cette nuit hivernale. La neige chuintait, elle se déplaçait en longues colonies, couloeuvre maladroite qui se déposait un instant et se retirait, comblant les creux, effaçant les amas tout juste créés, chaque cristal désassemblé puis aimanté par une autre configuration et défait à nouveau dans un mouvement lent et ténu. Des dunes opalescentes formaient des cratères dans les plis de mes manches et, enseveli par cette lave céleste, à l'abri dans ma gangue, je ne pouvait pas m'endormir et mourir de froid, l'esprit dilaté dans mon corps devenu lourd alors que mes sens étaient si aiguisés et légers à la fois. J'ai pensé aux cendres, à la cendre blanche qui resterait de mes os brûlés après ma mort. J'ai regardé le ciel encore une fois.

Mère avalisait la fable selon laquelle nous avions grandi dans un cocon. A la vérité, mère ne nous a jamais laissé pleurer car cela exaspérait père. C'est ce genre d'affabulations qui, répétées à satiété, construit une enfance qui n'a jamais existé et sur laquelle, toute notre vie, nous essayons d'accorder des sentiments de colère et d'injustice alors qu'on nous a fait croire à un conte de fées.

Dans ma famille, nous appartenions à des castes différentes, la caste des enfants et celle des parents formaient une société rigde dans laquelle nous ne savions pas que nous étions malheureux ou qu'il aurait pu en être autrement. Il en était ainsi.

Quand les gens parlent de leur livre préféré, ils l'ont souvent lu dans leur jeunesse; ont-ils cessé de lire depuis?

Quand nous sommes partis, elle s' est adressé à mes amis du haut des marches et leur a lancé: "Son père était une très bonne personne! " Je n'ai pas pu m'empêcher de tressaillir et je me suis demandé de quel homme elle parlait.