"La fille porte bonheur" - Interview de Christophe Lambert
l injustice est muette,la
justice crie.
Un homme qui frappe une femme mérite de crever. Surtout si c’est une habitude.
La peur, la colère, la rage, la tristesse étaient des fardeaux, dans un combat. Seuls comptaient les déplacements, les coups, les esquives, la mise à terre de l’ennemi. Il n’y avait pas de pitié à avoir, pas de colère à éprouver. La vie était épouvantable, il fallait s’en accommoder, et Keller l’avait appris à la dure. La victoire, c’était l’unique but.
La came dictait sa loi dans les villes, où de véritables « no-go zones » s’étaient établies. On n’avait pas besoin de passeport, de visa ou d’autorisation pour y pénétrer. Il fallait simplement du fric. On n’entrait dans ces quartiers que pour acheter ou vendre de la dope. Les camés y venaient pour trouver leur saloperie. Les dealers s’y établissaient pour se transformer en véritables boutiquiers de poudre. Des convois de go-fast et, c’était la mode, de go-slow livraient la coke, les amphètes ou ce qu’on voulait, et la police, soigneusement arrosée, laissait faire. Après tout, les dealers allaient s’entre-flinguer un jour, pas besoin de s’en mêler.
Aussi dure que soit la souffrance, aussi dure que soit la vie, il faut rester debout, avancer même comme une ombre, ne jamais baisser les bras, ne jamais laisser tomber. Il avait fait un choix, il n’était pas Dieu, qui lui-même n’avait pas le droit de vie ou de mort sur les êtres humains quels qu’ils soient. Mais il était dans une spirale de vengeance contre un système défaillant et laxiste, protecteur du nanti et méprisant du pauvre, et ça, il ne le supportait pas. La vengeance, dans toute sa bassesse, le ramenait peut-être au même niveau que ses victimes.
Je sais la douleur que peut provoquer la disparition d’un être proche. Je sais, Keller. C’est comme un incendie de forêt : tout est ravagé. Les sentiments, les impressions, la mémoire, tout.
...On devient une machine à vengeance. On n’est plus un homme.
— Je vous interdis d’intervenir dans le travail des policiers.
— Bien sûr.
En langue politique, la phrase voulait dire exactement le contraire.
La justice militaire n’avait pas l’habitude de plaisanter avec les gens qui mettaient sur Internet des secrets-Défense…
L’ennui, avec les racailles, c’est qu’il y en avait un nombre infini. Écrasez cinq cancrelats, il en revient dix.
La boxe lui avait appris à respirer, l’escrime à attendre le bon moment. Tout dépendait d’un délicat équilibre.