Neil MacGregor, ancien directeur du British Museum et de la National Gallery, présente son ouvrage
Une histoire du monde en 100 objets à la Librairie
Guillaume Budé (Paris 6e).
Plus d'informations : https://www.lesbelleslettres.com/livre/3757-
une-histoire-du-monde-en-100-objets
Rencontre filmée le 16 octobre 2018.
(Sculpture de Shiva et de Parvati)
Et bien que cette sculpture ait été faite pour un temple, un endroit très public, elle permet d’avoir un contact personnel en continu avec le dieu. L’expérience de la rencontre avec cette sculpture n’est qu’une partie de la relation au divin, une forme de conversation que l’on peut commencer au temple et poursuivre à la maison. La contempler n’est que le point de départ d’un dialogue quotidien qui finira par façonner chaque aspect de votre existence.
(Icône du Triomphe de l'orthodoxie)
Que fait un grand empire lorsqu’il est face à une invasion imminente et à la destruction ? Il peut se réarmer et se chercher des alliés à l’étranger ; ou, plus astucieusement, il peut revisiter son histoire dans l’intention de forger un mythe à même d’unir le peuple et de le mener à la victoire, un mythe qui apportera la preuve à tout un chacun que l’histoire a choisi son pays tout spécialement pour défendre la justice et la vertu. [...] Dans ce genre de circonstances, l’histoire réimaginée peut s’avérer une arme extrêmement puissante. Autour de l’an 1400, lorsque l’Empire byzantin chrétien s’est retrouvé aux mains des Turcs ottomans en étant confronté à sa destruction, il s’est lui aussi tourné vers son passé, dans lequel il a trouvé un événement qui proclamait quel était son but unique et de droit divin, et il en a fait un mythe national. Les Byzantins ont fait la promotion de ce mythe par le moyen le plus public qu’ils avaient à leur disposition : ils ont décrété un nouveau jour férié religieux et ont commandé une icône religieuse afin de le célébrer.
Qu'emportez-vous lorsque vous voyagez ? La plupart d'entre nous s'embarqueraient dans une longue liste qui commence par une brosse à dents et se termine par un excès de bagages. Mais pendant la plus grande partie de l'histoire de l'humanité, une seule chose était vraiment nécessaire : un biface en pierre. Le biface était le couteau suisse du néolithique, un élément de technologie vital à usages multiples. L'extrémité en pointe pouvait servir de perceuse, tandis que les longues lames de chaque côté permettaient de tailler des arbres, de découper de la viandes ou de racler l'écorce ou les peaux de bêtes. Bien qu'il paraisse assez simple, un biface est en réalité extrêmement difficile à faire et, pendant plus d'un million d'années/ il a été littéralement à la pointe de la technologie. Il a accompagné nos ancêtres durant la moitié de leur histoire, en leur permettant de se propager d'abord en Afrique et ensuite a travers le monde.
Pendant un million d'années, le bruit que produit la taille d'un biface a rythmé la vie quotidienne.
(Tambour à fente soudanais)
La biographie de ce tambour à fente, ainsi qu’on l’appelle, est une histoire du Soudan au XIXe siècle, quand l’Égypte ottomane, la Grande-Bretagne et la France ont toutes convergé vers cet immense pays du Nil, divisé depuis longtemps entre le sud africain, qui pratiquait les croyances traditionnelles, et le nord islamique. Et ce tambour est un nouveau document sur la ligne de faille géopolitique tenace située autour des chutes du Nil que nous avons rencontrée déjà à deux reprises : à propos du sphinx de Taharqa et la tête d’Auguste. Il fait partie de l’histoire de la culture africaine indigène, de la traite des esclaves en Afrique de l’Est centrée à Khartoum et de la ruée de l’Europe vers l’Afrique à la fin du XIXe siècle.
(In the Dull Village (Dans la petite ville sans joie) de David Hockney)
La gravure de Hockney est d’une sobriété saisissante. Quelques traits noirs suggèrent ici un mur, là une couverture. Il n’y a rien qui nous dise où est ce lit. On ne sait même pas si les deux personnages sont réellement présents ou seulement rêvés. Cette image résolument imprécise nous rappelle que le comportement sexuel, bien qu’il relève en tout point du domaine personnel, est aussi en tout point universel. En revanche, les façons que la société a d’y répondre ne le sont absolument pas. Quarante ans plus tard, la frontière des droits humains se négocie encore dans le sang : notre monde est moins global que nous aimons le croire.
(Casque en plumes hawaïen)
Quoi qu’aient pu penser les Hawaïens de Cook, leur roi lui a fait don de magnifiques présents, parmi lesquels des casques de chefs de clans, des objets rares et précieux faits de plumes jaunes et rouges. Cook y a vu la reconnaissance d’un chef envers un autre, un signe d’honneur manifeste. Cependant, quelques semaines plus tard, le capitaine mourra, tué par ceux-là mêmes qui lui avaient offert les casques. Quelque chose avait radicalement tourné de travers.
Ce casque à plumes est l’un de ceux donnés à Cook et à son équipage, et il est devenu l’emblème des incompréhensions fatales qui ont émaillé les contacts des Européens avec les populations à travers le monde.
(Piastres d'argent ou pièces de huit)
L’argent, les publicités nous l’assurent, permet d’acheter ses rêves. Mais une certaine sorte d’argent, et notamment les pièces, font déjà rêver ; leurs noms à eux seuls renvoient à la magie de l’histoire et des légendes : ducats, florins, liards, guinées ou souverains. Mais aucune pièce ne se compare aux plus connues de toutes, les piastres, ou pièces de huit. Présentes dans des livres et des films comme L’Île au Trésor ou Pirates des Caraïbes, elles charrient tout un lot d’associations – Invincible Armada, flotte du Trésor, épaves, batailles, pirates, hautes mers et péninsule ibérique.
(Étendard de procession chiite)
La plupart des touristes qui visitent Ispahan, la capitale de l’Iran chiite au XVIIe siècle, sont surpris de découvrir dans cette ville très islamique une des plus grandes cathédrales chrétiennes du monde, remplie de crucifix en argent et de fresques illustrant les récits de la rédemption biblique. Cette cathédrale construite pendant la première moitié du XVIIe siècle par Shah Abbas Ier, le grand dirigeant du début de l’Iran moderne, offre un superbe exemple de la façon dont la carte mondiale de la religion a été redessinée aux XVIe et XVIIe siècles.
(Poterie de guerrier mochica)
L’histoire n’a retenu que quelques cultures américaines. Et si les Aztèques et les Incas occupent une place inébranlable dans notre imaginaire collectif, rares sont ceux parmi nous qui savent d’où viennent les Mochicas. Les spécialistes de l’histoire primitive américaine remettent lentement au jour les civilisations qui ont existé en parallèle, lesquelles étaient tout aussi sophistiquées que les plus avancées d’Europe. Et les Mochicas occupent une place centrale dans ce réexamen du passé américain.
(Carte en peau de daim d’Amérique du Nord)
La guerre en question était la guerre de Sept Ans qui opposait la Grande-Bretagne et la France, une bataille interminable pour le commerce et le territoire menée en Europe, en Asie, en Afrique et en Amérique. L’auteur (un Chinois philosophe de passage à Londres) fait bien comprendre que la Grande-Bretagne et la France sont en train de dépouiller les habitants légitimes de ces contrées qu’elles commencent par explorer et finissent par exploiter.