Rencontre avec Carl NoracDans le cadre du cycle «Les visiteurs du soir», le Centre national de la littérature pour la jeunesse (CNLJ) de la BnF propose des rencontres avec les acteurs de la littérature pour la jeunesse. Auteurs, illustrateurs, éditeurs ou conteurs viennent présenter leurs projets et partager leurs expériences.Cette séance accueille l'écrivain et poète belge Carl Norac. Auteur de plus de 80 livres de contes ou de poésies pour enfants traduits en 47 langues, il a été intronisé en janvier 2020 poète national en Belgique.Rencontre animée par Mateja Bizjak-Petit, metteuse en scène, poétesse et traductrice franco-slovèneSéance enregistrée le 11 janvier 2024 à la BnF I François-Mitterrand.
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Maman, plus tard, moi je serai
blanchisseur de nuages ou berger d'oiseaux,
peut-être compteur de gouttes d'eau,
arbitre pour combats d'escargots,
garde du corps pour papillons,
acupuncteur pour hérissons,
clown pour passants fatigués,
imprimeur pour sans-papiers,
décorateur de coccinelles,
empêcheur de tomber du ciel.
J'ai attrapé la poésie.
Je crois que j'ai serré la main
à une phrase qui s'éloignait déjà
où à une inconnue qui avait une étoile dans la poche.
J'ai dû embrasser les lèvres d'un hasard
qui ne s'était jamais retourné vers moi.
J'ai attrapé la poésie, cet espoir virulent.
À l’avenir
À l’avenir, laisse-moi tranquille,
dit le présent à la grammaire.
Je ne veux plus me conjuguer
ni au futur ni au passé.
Je vis à l’instant composé
et je me déguise en seconde.
Ça me va bien. Je cours le monde.
On est le temps. On a le temps
de le perdre et de le trouver.
Grammaire, fous-moi donc la paix
avec tes règles et tes grands airs.
Je suis. Je fuis. Je vis. J’y vais.
(Petits poèmes pour passer le temps)
Poème pour l’enfant au bord d’une page...
La poésie fait son nid d’une main à peine ouverte,
elle peut suivre les lignes de la paume
et aussi vivre dans un poing.
Elle est ce souffle inattendu qui patientait en toi,
ce temps posé sur l’instant, mais qui dure.
Si tu veux la dresser, change de livre,
délaisse les gens qui veulent la définir.
Elle aura toujours le coup d’aile d’avance
de l’oiseau quand tu veux l’attraper.
Un poème ne t’attend pas.
Il est là, même où tu l’ignores.
Il ne se veut pas forcément plus brillant
qu’une bruine qui s’amuse ou un soleil qui tombe.
Un poème ne fait pas pousser les fleurs :
c’est une parole entre deux lèvres
qui ne sauvera peut-être pas la Terre,
mais qui s’entendra,
se fendra d’un aveu, d’un amour, d’un combat.
Elle chantera encore quand d’autres s’agenouillent
ou s’enfuient devant la foule des bras tendus.
Aujourd’hui, tu vas écrire, me confies-tu.
Alors, vas-y, jette-toi dans la beauté.
Au bout d’une page, ou de quelques vers,
il y a parfois le début d’un univers.
Je te regarde : ce matin, tu te sens si poème
que tu crois pouvoir toucher,
pour dire le monde,
l’infini d’une seconde.
LE BON MOMENT
Le temps passe sans que personne
ne lui demande de passer.
On croit que ce qu’il préfère,
ce sont les siècles, les millénaires.
Mais quand le temps
s’abandonne un instant,
quand le temps prend son temps
ou rêve d’en perdre un peu,
il arrive qu’il dise, à toute vitesse,
comme un enfant qui court,
en retard pour l’école : – Pour moi qui suis le temps,
qui vais de par le monde,
rien n’est plus beau
qu’une seconde…
En t'attendant...
Quand je t'attends , c'est long.
Les arbres traversent le chemin.
Les oiseaux font leurs valises de feuilles
Les crapauds ont le temps
De se changer trois fois en prince.
Quand je t'attends, c'est long.
Les mille-pattes ont lacé leurs souliers,
Les cigales ont fini de chanter.
Les montres ont le temps
De glisser trois fois des poignets.
Quand tu arrives enfin,
Le soleil a déjà compté tous ses rayons,
La mer, ses vagues ,et le ciel ,ses nuages.
Dépêche-toi,
Ma lune, ô ma douceur,
il va faire noir sur mon coeur.
( "Petits poèmes pour passer le temps")
Un poème parfois, ce n’est pas grand-chose.
Un insecte sur ta peau dont tu écoutes la musique des pattes.
La sirène d’un bateau suivie par des oiseaux, ou un pli de vagues.
Un arbre un peu tordu qui parle pourtant du soleil.
Ou souviens-toi, ces mots tracés sur un mur de ta rue :
« Sois libre et ne te tais pas ! ».
Un poème parfois, ce n’est pas grand-chose.
Pas une longue chanson, mais assez de musique pour partir
en promenade ou sur une étoile,
à vue de rêve ou de passant.
C’est un aller qui part sans son retour
pour voir de quoi le monde est fait.
C’est le sourire des inconnus
au coin d’une heure, d’une avenue.
Au fond, un poème, c’est souvent ça,
de simples regards, des mouvements de lèvres,
la façon dont tu peux caresser une aile, une peau, une carapace,
dont tu salues encore ce bateau qui ouvre à peine les yeux,
dont tu peux tendre une main ou une banderole,
et aussi la manière dont tu te diras :
« Courage ! Sur le chemin que j’ai choisi, j’y vais, j’y suis ! ».
Un poème, à la fois, ce n’est pas grand-chose
et tout l’univers...
Au fond, un poème, c'est souvent ça,
de simples regards, des mouvements de lèvres,
la façon dont tu peux caresser une aile, une peau, une carapace,
dont tu salues encore ce bateau qui ouvre à peine les yeux,
dont tu peux tendre une main ou une banderole,
et aussi la manière dont tu diras:
" Courage! Sur le chemin que j'ai choisi, j'y vais, j'y suis!"
Un poème, à la fois, ce n'est pas grand chose
et tout l'univers.
Petit poème pour y aller. Printemps des poètes 2020
Sur mes lèvres, j'ai vu passer
un mot d'amour pas terminé,
juste un ou deux sons perchés ,
deux ou trois lettres envolées,
un demi-mot sur mon sourire
qui s'élève pour apporter
un message aux pétales,
un serment aux cigales.
Même si je n'ai pas d'ailes
pour lancer des sons au ciel
ou ces lettres que l'on sème,
j'ai choisi de t'envoyer
un mot d'amour pas terminé.
Je l'ai caché sous ce poème.
(" Petites grimaces et grands sourires")
Il clame sur un ton de réclame : Mesdames et Messieurs, mes âmes et mes yeux, mes jeunes et mes vieux.