Pourquoi avais-je toujours envie de trouver une imprimante pour conserver ses messages ? C'était comme si j'avais voulu une trace, quelque chose à montrer aux gens pour prouver qu'une femme superbe m'aimait. Etais-je si peu sûr de moi ? En partie, oui, surtout à présent que j'étais SDF. (p.15)
A mon sens, il existe quatre types de rapports amoureux. (…)
Et puis il y a le quatrième type. On est follement amoureux de quelqu’un qui nous le rend. C’est l’équilibre parfait, une énergie harmonieuse. C’est la relation dont nous rêvons tous-celle qui nous aspire dans le présent et nous y garde. On ne veut être nulle part ailleurs. Le bourdonnement existentiel est réduit au silence. (p.19)
« - Alors, qu’est-ce que vous projetez ? ai-je demandé. En quoi est-ce que sera différent du passé ?
-Eh bien, pour commencer, on décentralise le pouvoir, a dit Sebastian. Pas de politiciens véreux pour nous. On emprunte à d’autres lieux qui ont voulu repartir à zéro, on regarde ce qui a marché et ce qui n’a pas marché. Des éléments externes, comme des journées de travail plus courtes et une moindre importance accordée aux biens matériels, sont cruciaux, mais on travaille aussi sur les éléments internes.
-Comme quoi ?
Je m’intéressais vraiment à ce qu’ils mettaient en place. Dans un sens, nous vivions en l’année zéro, assistions au début d’une nouvelle société » (p.357)
Sous la mienne (ma tente), je me suis senti affreusement seul, malgré la tribu tout autour de moi. On ne dormait pas sous une tente dans les bois comme en ville. La nature était une créature étrangère; la preuve silencieuse mais éclatante que nul n'était là pour prendre soin de nous, que nous habitions un monde impitoyable, peu susceptible de réagir si nous mourrions tous cette nuit-là. (p.40)
A partir de quel degré de pauvreté cesse-t-on d'être un salopard égoïste quand on laisse les autres crever de faim ?
Quand il faut choisir entre l'essence pour faire rouler des voitures de luxe et le pétrole pour fabriquer de l'engrais afin de nourrir des affamés, on n'hésite pas : on fait marcher les bagnoles. A présent que l'énergie est rare, la consommer ostensiblement était un symbole de position sociale. Laisser la lumière brûler sous la véranda disait au monde qu'on avait les moyens de laisser la lumière sous la véranda.
Parfois, je haïssais ces gens qui vivaient dans un tel confort alors que nous autres parvenions à peine à subsister. Peut-être les détestai-je parce que j'avais toujours cru pouvoir me joindre à eux, je ne sais pas. Nous n'avions rien, et ils avaient tellement plus que le nécessaire. Mais ce n'étaient que des êtres humains qui se conduisaient comme tels, ils essayaient de conserver ce qu'ils possédaient. (p.63)
La plupart des Américains ne connaissaient pas sens du mot souffrance avant la dépression de 2013. A l'école, on nous parlait toujours de la soit-disant "Grande-Dépression", comme si avoir un tas de chômeurs assez bien nourris constituait un terrible holocauste. Nous éttons des mauviettes. C'était terminé. Nous avions appris à manger l'amertume, comme disent les chinois (p.65)
Quand on n'est pas affamé mais qu'on risque de l'être un mois plus tard, est-il mal de ne pas nourrir ceux qui le sont déjà? Où est la limite ?
A partir de quel degré de pauvreté cesse-t-on d'être un salopard égoïste quand on laisse les autres crever de faim ? (p.9)
Mais comment invite-t-on une femme où que ce soit quand on n'a pas de voiture, pas de maison et pas d'argent pour aller au cinéma ? je ne connaissais pas les règles. Peut-être n'y en avait-il pas. Peut-être était-on encore entrain de les inventer. (p.27)
Je n'avais pas conscience de la façon dont le progrès continuait. Mais en cette terrible époque, il y avait encore des inventions. C'était juste que je ne les voyais pas, tout comme les habitants des pays du tiers-monde ne les voyaient jamais. (p.64)