Loïc le Borgne vous présente Ghost Love, son dernier roman paru aux éditions Actusf.
Ghost Love : https://is.gd/fRHkqN
"A chaque fois qu'un enfant dit qu'il ne croit pas aux fées, il y en a une qui tombe raide morte, je sais tout ça par cœur, j'ai dit. Vous ne devriez pas traîner toutes seules.
- A chaque fois qu'une fée doute de l'existence des humains, il y en a un qui crève, a souri l'une des jumelles. C'est beaucoup plus drôle dans ce sens-là, non ?"
- Que faisait votre père ?
- Romancier.
- Dieu du ciel, ce métier existait donc vraiment ? Écrire des choses imaginaires pour des gens qui n'avaient rien de mieux à faire qu'à lire ces pages inutiles ?
- Il aurait pu vous expliquer longuement l'utilité de la fiction. Quoi qu'il en soit, il ne faisait pas partie des pollueurs.
- S'il avait été classé pollueur, vous ne seriez pas ici. Tous ont été condamnés et pour la plupart exécutés. Leurs familles ont été mises à l'index.
- Les artistes ne polluaient pas.
- Votre père avait une voiture, une télévision et un ordinateur, non ?
- J'avais dix-huit ans quand ça s'est produit. Mes parents ne sont plus de ce monde depuis longtemps.
- Dix-huit ans, c'est déjà beaucoup. Je vous tiendrai à l’œil. Tout ce village va vous tenir à l’œil. Vous êtes un survivant, un type d'avant la Panique. Donc un suspect pour les habitants de Rouperroux.
Ma génération est morte. Je me suis allongé dans la boue, je me suis séché à l'air du crime, j'ai joué des bons tous à la folie. Qui vous a parlé de ma génération?
Ma foi, je suis comme le monstre de Frankenstein.
Un panier de souvenirs. Ah ! ce matin-là, sous les bouleaux, plusieurs femmes se télescopaient en moi. Une fillette de neuf ans qui construisaient des cabanes en forêt avec son père avant de rentrer regarder un film devant la cheminée. Une adolescente de seize ans amoureuse d'un jeune homme arrogant le temps d'un printemps. Une trentenaire brisée par la folie du monde. Encore ? Une femme de quarante-cinq ans perdue dans ses tâches pénibles et quotidiennes. La vieille de cinquante-huit ans que je suis désormais, fracturée comme un miroir tombé à terre. On a beau dire, on est la sommes de nos souvenirs.
Allumons un grand feu pour brûler notre histoire
Mets du bois au milieu, enfumons nos mémoires
Allumons un grand phare, oublions nos aïeux
Nous jetant dans le noir, ils n'ont pensé qu'à eux
Et nous sommes devenus la proie des ouragans
Des enfants éperdus ballotés par le vent
Nous avons déserté traqués par les brigands
Les villes abandonnées, les rues pavées de sang
Loin des palais de marbre, pleurant notre abandon
A genoux sous les arbres nous demandons pardon.
Les nanotraceurs se sont infiltrés dans nos crânes, dans les feuilles des arbres, dans le moindre insecte. La Brume est partout. La seule solution serait de changer le passé.

«Cette abomination, la guérisseuse a clamé d'une voix forte et grave en désignant de nouveau l'éolienne, cette abomination perturbe la tranquillité de notre village. Plus grave encore, elle perturbe ce en quoi nous croyons. Elle perturbe les arbres et perturbe les esprits. Elle va tuer les oiseaux, les papillons, les abeilles, et tous les êtres qui volent.
- Elle peut tuer les fées ? L'une des jumelles a demandé avec un air catastrophé.
- Elle peut leur coupé les ailes entre ses bras qui sont comme des fléaux et peut les broyer. Elle est la mort, la Camarde. Elle peut tuer ces êtres et ces forces que nos aïeux, maudit soient-ils, ne voyaient plus. Les machines appellent vers nous les hommes de feu, les monstres des bois, les mauvais génies des tempêtes et ceux des ouragans. Rappelez-vous le Serment aux fées :
Un vautour métallique a cassé ta maison
Le ver informatique a oublié ton nom
L'araignée numérique a craché son poison
Le serpent électrique pliera sous mon talon
Douce fée nous jurons
Demain nous combattrons
Ces abominations ! »
Allumons un grand feu pour brûler notre histoire
Mets du bois au milieu, enfumons nos mémoires
Allumons un grand phare, oublions nos aïeux
Nous jetant dans le noir, ils n’ont pensé qu’à eux
Et nous sommes devenus la proie des ouragans
Des enfants éperdus ballottés par le vent
Nous avons déserté traqués par les brigands
Les villes abandonnées, les rues pavées de sang
Loin des palais de marbre, pleurant notre abandon
A genoux sous les arbres nous demandons pardon
(Chant de la colère, auteur inconnu.)
Un gosse affamé n'a pas d'ailes dans le dos, juste un couteau.
Je pense aujourd'hui que les enfants peuvent être d'une terrifiante cruauté avec leurs semblables : ils imitent les adultes, mais sans les remords pour les freiner.