Indispensable pour ne pas se laisser manipuler : muscler votre pensée critique !
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Je rejoins tous les commentaires précédents pour dire que cet ouvrage est vraiment excellent. La démarche de l'auteur, professeur en sciences de l'éducation au Canada, a pour fondement deux craintes corrélées, partant du domaine privé pour rejoindre celui public : premièrement, celle du développement croissant dans nos sociétés des croyances irrationnelles (OVNI, télékinésie, astrologie, fanatisme, etc.), et donc d'une certaine forme d'absence de pensée critique et d'examen rationnel ; l'autre, conséquence de la première, la perte des savoirs minima requis pour comprendre la société et agir sur elle, bref, de la citoyenneté éclairée.
Afin de palier ces lacunes, potentiellement existantes en chacun de nous, l'auteur nous propose un cours d'autodéfense intellectuelle, en 2 grandes parties et 5 chapitres.
La première partie, divisée en 2 chapitres (le langage et les mathématiques), donne des bases théoriques et pratiques pour reconnaître les tentatives de déformations de la réalité dans notre quotidien : des paralogismes aux graphiques truqués, des statistiques aux probabilités, des omissions d'informations aux amphibologies. Elle a le mérite de synthétiser toutes les tentatives existantes de manipulation de la vérité, mais pèche par un peu de superficialité, notamment sur la partie mathématique. En effet, les notions introduites ne sont clairement pas suffisamment expliquées pour qu'un débutant puisse se débrouiller tout seul. Quant aux autres qui ont suivi des études incluant philosophie et mathématiques, le tout s'avère un tantinet « évident », presque intuitif (de là, malheureusement, l'inégalité de la pensée critique dans la population).
La deuxième partie est, à mon sens, la plus passionnante. Le premier chapitre traite de l'argument de l'expérience personnelle pour appuyer nos croyances, les 3 sous-parties expliquant clairement que ni notre perception, nos souvenirs ou nos jugements ne sont infaillibles (expérience de Asch, Milgram, dissonance cognitive, effet Pygmalion, etc.). Le deuxième chapitre traite de la science empirique et expérimentale. En résumé, l'auteur nous démontre que la méthode de la science est la plus à même de rendre compte du monde réel. Le chapitre traite de l'épistémologie mais s'avère un peu court si vous être déjà un peu au fait de cette discipline (Bachelard, Kuhn, Koyré, Chalmers, etc.). Le troisième et dernier chapitre, sur les média, est tout aussi intéressant. Il décrit le fonctionnement interne de cette institution qui tend à manipuler la vérité, ou tout du moins, à ne refléter qu'une image sélectionnée et déformante. On sent ici toute l'influence de Chomsky sur l'auteur, qu'il nous recommande d'ailleurs de lire assidument.
Au rang des petits reproches, on notera, pour nous autres lecteurs français, un certain nombre de termes québécois, peu employés ou inexistants dans notre langue : poutine (stupidités), putatif (supposé), corporation/compagnie (entreprise), pot (cannabis), ou encore, certaines déformations professionnelles dues à un emploi soutenu de l'anglais.
En conclusion, le présent ouvrage a l'énorme mérite de proposer une synthèse claire, relativement complète et actualisée des outils fondamentaux que tout penseur critique doit posséder pour se défendre « intellectuellement » aujourd'hui.
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