Sequences [corriger]

Récit médiocre sans ambition, sinon de plaire, que cette nouvelle inutile de Verne. Sans être mal écrite, on n’y distingue rien d’intention mâle ou de style dur ; c’est l’ancêtre du livre pratique qu’on fait uniquement pour raconter de l’aventure. Même en termes d’intrigue, on ne peut s’attacher à grand-chose : c’est enfantin, invraisemblable de bout en bout, sans personnage crédible ni motif psychologique convaincant. Vous avez là un capitaine qui embauche un marin sans qualification, qui tombe amoureux d’une passagère clandestine, qui promet de délivrer son père alors qu’il ne souhaitait qu’un commerce assez peu scrupuleux, qui y parvient parce qu’il fait mettre un homme en prison pour assommer son geôlier, prendre ses vêtements et ouvrir son cachot, et qui échappe miraculeusement à tous les boulets de canon ou parce qu’on vise mal ou parce que les explosifs ne fonctionnent pas. C’est le condensé de ce qu’on peut écrire en trois jours quand on n’a pas une idée et qu’on a reçu consigne de mouvementer une histoire sans une description pittoresque, sans une action fine et sans une pensée nouvelle. La seule manière pour le lecteur d’apprécier Les forceurs de blocus est de ne disposer d’aucune référence littéraire, de n’avoir pas la plus petite conception d’un manifeste, et de se contenter de l’évasion bon-marché que procurent dès cette époque des auteurs ayant perdu à cause de l’argent toute volonté d’art. Assurément, ce livre est aux antipodes d’un travail artiste et même d’un travail tout court, tout ce qu’on peut en dire de mieux est qu’il n’est pas aussi techniquement mal rédigé que le roman contemporain auprès duquel il conserve quelque hauteur, et je sais gré à Verne, comme je ne suis pas caricatural, de ne pas avoir toujours sombré dans cette facilité-ci où la commande éditoriale semble fixer son prix et exiger son service.
Lien : http://henrywar.canalblog.com