À présent j’habite un pays où les branches noircissent rapidement, se dessèchent ; une immensité de poussière s’élève et perpétuellement retombe. On essaye de se taire, mais il est trop tard. Voici déjà une charrette prise au tournant ; puis c’est un couple d’amants encore tout frais. "Jure-moi …" disait-elle. Mais il n’eut pas le temps d’étendre la main. Nous sommes un peuple trop vieux pour les serments. Et nos enfants naissent soucieux. Eux aussi sont guettés par la poussière
Fable.
La courbe de la route a engendré
au-dessus d’elle cet arceau dont une
branche enserre tendrement le paysage.
L’arbre et la route s’en vont bras dessus
bras dessous, vers un horizon tournoyant
qui recule toujours.
p. VIII
Sens de l’histoire.
La vieillesse n’a plus rien à ap-
prendre : elle suit son chemin parmi les
pièges de l’ombre, les trappes du temps ;
entre les pierres désaccordées et les som-
bres escaliers de bois, les balcons déhan-
chés et les soupentes humides.
Mais l’enfant qu’elle entraîne par la
main, dévoré de songe, ne peut faire
qu’il ne se retourne pour tenter d’aper-
cevoir une fois, au haut de la pente fati-
dique, le visage de l’amour.
p.III
Midi le juste.
Le soleil de midi écrase contre ce
mur de pierres l’ombre courte et cruelle
d’un vieux réverbère à potence. Noire et
dure comme un révolver, plaquée contre
ce mur dont chaque pierre crie, au centre
d’une solitude brûlante : il est des lieux
où le soleil tue.
p.IV
Marie, photographe, lit "Baleine" de Paul Gadenne (Éditions Actes Sud, 2005)
Dans le cadre de "A vous de lire !" © Des auteurs aux lecteurs, 2010