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L'appel sauvage (ou) L'appel de la forêt

Nous suivons Buck, un chien appartenant au juge Miller et qui, du jour au lendemain, va être enlevé par l'un des employés. Ce dernier, endetté, va vendre Buck auprès d'un trafiquant de chiens de traîneau. Buck va alors subir la cruauté de l'Homme qui ne va pas hésiter à le battre et à le maltraiter pour le soumettre et le contraindre, comme tous les autres chiens qu'il va rencontrer, à traîner des traîneaux, sans relâche. Cependant, Buck est intelligent et s'adapte très rapidement à son nouvel environnement : le froid glacial de l'Alaska et du Canada, le combat contre les autres chiens pour survivre, la ruse et la discrétion pour ne pas subir les punitions de l'Homme. Il va même, au fur et à mesure, se rapprocher de son passé, de ses ancêtres et se défaire de l'emprise de l'Homme. Va-t-il finir par rejoindre la Nature ou va-t-il rester auprès de l'Homme ? 



J'ai adoré avoir le point de vue de Buck et j'ai trouvé que cela rendait le texte d'autant plus percutant, car à travers les yeux de cet animal si innocent, la cruauté, l'égoïsme et la cupidité de l'Homme nous frappe tel un coup de fouet (rappelons le contexte de l'histoire qui se déroule en plein pendant la ruée vers l'or dans le Grand Nord Canadien). Si vous aimez à la folie les chiens comme moi, vous risquez d'avoir le cœur brisé, car l'auteur ne censure rien et nous offre un portrait sanglant. 



Tout comme Buck, nous vieillissons en lisant ce roman. De la légèreté et de l'innocence, nous passons à la méfiance, la peur, la haine, la révolte et la liberté. 
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La vie devant soi

Momo a 10ans. Musulman, il vit chez Madame Rosa, une vieille femme juive. Sortie (sur)vivante d'Auschwitz & ancienne prostituée, elle a créé une pension pour recueillir les enfants aux vies compliquées. Ce jeune garçon, plus mature que son âge l'indique, est confronté à la pauvreté & au rejet social. Peut-il s'en sortir? Et comment faire pour accompagner Madame Rosa qui sent son corps & son esprit faiblir de plus en plus?



D'entrée de jeu, on est dans la tête de ce petit garçon. Il raconte à voix haute qui il est et pourquoi il est là. L'enchaînement des phrases rebute au premier abord, les jeux de mots étranges laissent de glace. Momo est jeune, il répète des phrases, des expressions entendues, croit les comprendre mais les exprime mal. La relation qu'il noue avec cette vieille femme semble dérisoire au départ. Mais, elle se révèle être décisive pour son futur. Ce duo improbable démontre un amour filial sans lien de sang. Momo se construit sa propre famille. Même s'il doit voir des choses qu'un garçon de son âge ne devrait pas vivre. Momo grandit au fil des mois, au fil des rencontres & des épreuves de la vie. Quand la mémoire de Madame Rosa déraille, il l'aide, même s'il ne comprend pas les raisons de ce déraillement. De vieille femme dégoutante, elle en devient belle. La relation nouée entre ces deux êtres que tout oppose s'avère délicate, pleine d'amour et d'espoir. Les camps de concentration, les délits de faciès, les oppositions religieuses ne peuvent rien : l'amour & l'entraide sont le socle de chaque bonne relation.
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La place

Portrait de son père et récit des faits marquants de sa vie, description de leurs relations.. Très bel "hommage" (je suppose qu'Ernaux réfuterait ce terme) non hagiographique, respectueux, touchant.

Qu'Annie Ernaux soit d'un milieu modeste (petit café-épicerie populaire) est connu. La description et l'analyse de la vie de ce milieu et de sa vie dans ce milieu constitue la principale motivation et matière de son œuvre. Le milieu dont son père était issu était encore plus "modeste", comme on dit joliment et pudiquement. On peut parler de pauvreté, voire de misère (ouvrier agricole en Normandie). Le texte est donc aussi un document sociologique précieux.

Essentiels aussi les quelques passages où A. Ernaux parle de son projet et de sa méthode, ses difficultés et choix d'écrivaine :

" Par la suite, j'ai commencé un roman dont il était le personnage principal. Sensation de dégoût au milieu du récit.

Depuis peu, je sais que le roman est impossible. Pour rendre compte d'une vie soumise à la nécessité, je n'ai pas le droit de prendre d'abord le parti de l'art, ni de chercher à faire quelque chose de « passionnant », ou d'«émouvant». Je rassemblerai les paroles, les gestes, les goûts de mon père, les faits marquants de sa vie, tous les signes objectifs d'une existence que j'ai aussi partagée.

Aucune poésie du souvenir, pas de dérision jubilante. L'écriture plate me vient naturellement, celle-là même que j'utilisais en écrivant autrefois à mes parents pour leur dire les nouvelles essentielles."

" J'écris lentement. En m'efforçant de révéler la trame significative d'une vie dans un ensemble de faits et de choix, j'ai l'impression de perdre au fur et à mesure la figure particulière de mon père. L'épure tend à prendre toute la place, l'idée à courir toute seule. Si au contraire je laisse glisser les images du souvenir, je le revois tel qu'il était, son rire, sa démarche, il me conduit par la main à la foire et les manèges me terrifient, tous les signes d'une condition partagée avec d'autres me deviennent indifférents. A chaque fois je m'arrache du piège de l'individuel.

Naturellement, aucun bonheur d'écrire, dans cette entreprise où je me tiens au plus près des mots et des phrases entendues, les soulignant parfois par des italiques. Non pour indiquer un double sens au lecteur et lui offrir le plaisir dune complicité, que je refuse sous toutes ses formes, nostalgie, pathétique ou dérision. Simplement parce que ces mots et ces phrases disent les limites et la couleur du monde où vécut mon père, où j'ai vécu aussi. Et l'on n'y prenait jamais un mot pour un autre."

Plus loin il y a 2 autres passages-clefs pour comprendre et apprécier la démarche d'Annie Ernaux :

" Voie étroite, en écrivant, entre la réhabilitation d'un monde considéré comme inférieur, et la dénonciation de l'aliénation qui l'accompagne [..] je voudrais dire à la fois le bonheur et l'aliénation. Impression, bien plutôt, de tanguer d'un bord à l'autre de cette contradiction."



Enfin, quelques pages avant la fin, une réponse à une question que je me posais : comment fait-elle pour réussir à dire autant de choses précises d'un passé qui remonte parfois à un temps de l'enfance dont on a en général que des bribes floues de souvenirs confus ? Une mémoire exceptionnelle ? :

" J'ai mis beaucoup de temps parce qu'il ne m'était pas aussi facile de ramener au jour des faits oubliés que d'inventer. La mémoire résiste. Je ne pouvais pas compter sur la réminiscence [..] C'est dans la manière dont les gens s'assoient et s'ennuient dans les salles d'attente, interpellent leurs enfants, font au revoir sur les quais de gare que j'ai cherché la figure de mon père. J'ai retrouvé dans des êtres anonymes rencontrés n'importe où, porteurs à leur insu de signes de force ou d'humiliation, la réalité oubliée de sa condition."

Ouf ! Voici donc les clefs essentielles de son travail.
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