Après Dentelles de reflets de Venise et
dentelles des sirènes de la lagune,
Chantal Robillard signe un nouveau recueil de poèmes aux éditions Astérion. Si la Sérénissime occupait le premier rôle dans les précédents volets, l'autrice a cette fois-ci choisit de revenir à ses origines en jetant plutôt l'ancre en pays auvergnat. Mais rassurez-vous l'ombre de la lagune n'est jamais bien loin puisqu'elle surgit sans crier gare comme dans "Canso de sirène", établissant ainsi un pont avec Zoo de chimères.
Néanmoins, restons en France un instant et plus précisément, allons à Langeac le temps d'une respiration en sizains avec "Un songe à Langeac" afin de s'assurer que rien n'a changé. D'ailleurs, "L'île d'amour" trône toujours fièrement au milieu de l'Allier. Pour
Chantal Robillard, c'est l'occasion de rappeler le souvenir de son grand-père l'emmenant voir l'inéluctable remontée des saumons.
Sextines, septains, huitains, elle court la plume de
Chantal Robillard pour noircir les pages de ce recueil par un entrelac de jeux de mots habiles, révélateur d'une belle maîtrise de l'exercice.
Taxée de faire de la dentelle avec les mots, elle, qui a une formation de dentellière s'en émerveille sans doute, d'autant que cela a marqué ses jeunes années surtout lorsqu'elle devait écouter les conseils de madame Raynaud qui aimait lui répéter "Ah, ma pauvre demoiselle !" sans qu'elle n'en comprenne réellement le sens. C'est qu'il fallait être "Finette !" pour bien comprendre ce qu'il se disait dans le patois du coin. En tout cas, la dentelle est bien là, elle accompagne ces pages pour garder en mémoire un précieux savoir, celui de "La dentellière", bien sûr !
Sous la plume de
Chantal Robillard, la rime est espiègle, joueuse, elle jaillit subitement au détour d'une page comme l'eau de la "Fontaine aux fées". Cette eau glougloutante, pétrifiante émet un chant ensorcelant, celui du ru pour qui prend le temps d'écouter. Fascinante, attirante surtout lorsqu'elle sort d'une fontaine, haut lieu de rêveries ou de commérages selon les envies. Joie des enfants comme dans "Fa fa fa" pour y faire trempette ou seulement y admirer les poissons qui s'y ébattent. Mais, celles-ci peuvent être à sec ou en état de marche pour assurer le spectacle aux badauds curieux comme dans "Fontaines musicales". Lieu d'inspiration par excellence si j'en crois les contes qui ne manquent jamais de relater une histoire en leur présence. Elle inspire souvent l'imaginaire de
Chantal Robillard au même titre que les contes car on croise souvent dans ses textes des figures marquantes à l'image de Cendrillon à qui elle a consacré tout un livre dans Hôpital de Cendrillon dont elle a remanié certains passages comme pour "De verre vert", à l'occasion de la publication de ce présent recueil.
L'écriture de
Chantal Robillard est vagabonde, elle aime s'égarer dans des contrées connues par tous mais en y déposant un regard neuf. Elle apprécie de redonner vie à ses souvenirs pour qu'il ne reste pas enfouis à jamais ou perdus pour toujours.
La perpétuation de la vie, c'est aussi la mémoire des gens, des lieux.
Avec Dentelles du ru des troubadours,
Chantal Robillard revient à la source aussi bien celle de ses propres origines que celle de la poésie, d'où l'importance du choix des mots pour faciliter la transmission.