Ce tome fait suite à le dernier adieu (épisodes 12 à 15) qu'il faut avoir lu avant. Il faut avoir commencé cette série avec le premier tome Re-ignition pour pouvoir comprendre l'intrigue. Il contient les épisodes 17 à 21, initialement parus en 2007/2008, écrits par
Rick Remender et mis en couleurs par Michelle Madsen. Jerome Opeña a dessiné et encré les épisodes 17 à 19 ; il a réalisé les finitions et l'encrage des épisodes 20 & 21. Ces derniers ont été dessinés par
Kieron Dwyer.
L'heure est grave : l'humanité est au bord de la disparition. Les quelques survivants décident d'une stratégie sous la houlette de la présidente Charlotte Huston. Heath Huston prend la tête d'une équipe réduite à bord de son vaisseau spatial pour aller chercher de la nourriture sur une planète proche. Il est accompagné par Keith, le beau Fear Agent, nouvelle génération, qui plaît beaucoup à Charlotte Huston, l'ex-femme d'Heath. Arrivés sur place, la flore leur réserve quelques surprises, et les habitants aussi. Qu'à cela ne tienne, Heath Huston n'a rien perdu de ses capacités à foncer dans le tas, à prendre des risques insensés, à se battre contre tout le monde, et même à sauver les individus en danger, quand bien même il s'agit de celui qui l'a supplanté dans le coeur de sa femme.
L'autre vaisseau spatial part pour la planète Neavsivia qui constitue peut-être un environnement habitable pour ce qu'il reste de l'humanité. À bord de ce vaisseau se trouvent la présidente Charlotte Huston, et également Mara Epernoza. Alors qu'ils atteignent l'orbite de Neavsivia, le vaisseau est intercepté par les pirates de la Nébuleuse du Centaure, menés par un certain Levi Diablo. Mara Epernoza semble connaître cet individu.
Après un tome consacré aux origines d'Heath Huston, à sa relation avec sa femme et à l'historique de l'invasion de la Terre,
Rick Remender revient au temps présent et à son intrigue principale. Ça ne rate pas : dès le premier épisode, le lecteur retrouve la forme de science-fiction un peu datée des épisodes précédents. À ce titre le premier épisode de ce recueil est un festival à lui tout seul. Les personnages arrivent sur une planète dont l'atmosphère est immédiatement compatible avec la physiologie humaine : quel coup de chance incroyable ! Keith succombe tout de suite à l'effet soporifique d'une plante (à nouveau cette compatibilité entre les composantes de la plante et la physiologie humaine). Cette perte de connaissance laisse le champ libre à Heath Huston pour jouer le héros, car il se fait attaquer par un extraterrestre (humanoïde bien sûr) 2 pages plus loin. Coup de chance : une sixième sens avertit de l'attaque de la plante et il échappe à son gaz soporifique.
En fait le lecteur ne s'offusque pas de ces coïncidences bien pratiques, ou de cette science-fiction d'aventure, il s'en régale. D'une part c'est cohérent avec le ton du récit depuis le premier épisode, donc ce n'est en rien une surprise. D'autre part,
Rick Remender maîtrise les conventions des récits de type pulp et il s'en sert avec un art consommé. Impossible de résister à l'inconscience d'Heath Huston qui saute sur le dos d'un gros poisson volant, impossible de ne pas admirer sa bravoure, et ses prouesses physiques, impossible de ne pas s'inquiéter quand ces acrobaties se déroulent au-dessus d'une rivière de lave. À ce compte-là, le combat dans l'arène est non seulement logique, mais il aurait même manqué s'il n'y en avait pas eu.
Les 5 épisodes ne sont pas qu'une longue suite de péripéties à l'ancienne. le scénariste sait aussi piocher dans des conventions moins usées, comme ce peuple sur la planète Neavsivia dont certains habitants se retrouvent coincés dans un mouvement perpétuel de nature spirituelle.
Rick Remender continue également d'utiliser les conventions de la comédie dramatique (à la limite de la comédie de situation). le lecteur apprend par exemple l'existence d'une fille cachée (Eden), et les conflits affectifs demeurent entre l'ex-mari et celui qui l'a remplacé, ou entre le même ex-mari et sa nouvelle conquête. Là encore, le scénariste dépasse les clichés et continue de s'intéresser à la psychologie de ses personnages. Celle d'Heath Huston a été bien établie de catastrophes en ratages de proportion titanesque. Il tourne son attention vers Mara Epernoza (qui ne méritait peut-être pas tant de sadisme). Elle aussi a subi des pertes personnelles traumatisantes (à découvrir dans ce volume), elle aussi a répondu à la douleur, en se fixant comme objectif d'infliger une douleur équivalente à ceux qui l'ont offensée.
Dans la plus pure tradition des récits EC Comics (avec chute morale à la fin), les actions d'Heath Huston et de Mara Epernoza ont des conséquences, et elles sont funestes comme le lecteur a déjà pu l'observer précédemment. Sous des apparences de récit d'aventure à l'ancienne, avec un bel homme blanc imposant sa volonté par la force à des races extraterrestres répugnantes,
Rick Remender montre des individus détruits par les conséquences de leurs actes, obsédés par leurs erreurs ou par leur vengeance, incapables de retrouver quelque plaisir de vivre que ce soit. Non seulement la vengeance ne constitue pas une motivation qui rend heureux, mais en plus chaque acte dicté par la haine engendre une situation pire encore. Pour autant le récit ne sombre pas dans la sinistrose.
Remender ne fait pas mystère de la dimension parodique de son récit. Il sait que le lecteur le sait, ce qui lui donne la latitude d'en jouer. Ainsi il peut se permettre de forcer un peu la dose sur l'action, sur les dangers ou même sur la mort des personnages, car il a déjà été établi précédemment que Heath Huston se sort de toutes les situations (même la mort) et que ce qui est montré (un personnage de premier plan transpercé par un rayon laser) l'est pour le côté choc et dérivatif de ce type de séquence (tout en sachant que la mort reste relative dans le récit, et ne peut être qualifiée de sûre que si le corps a été incinéré, les cendres dissoutes dans de l'acide, et les résidus plongés au coeur d'un trou noir, et encore).
En découvrant la table des matières, le lecteur éprouve une petite inquiétude. Il retrouve bien l'assurance que tous les épisodes ont été écrits par
Rick Remender, que les couvertures sont réalisées par Jerome Opeña (sauf la dernière exécutée par Tony Moore). Par contre, Jerome Opeña n'a dessiné que 3 épisodes sur 5. Les couvertures sont parfaites, plaçant Heath Huston dans une situation de danger, frappée du coin du cliché, avec une exagération à peine perceptible qui atteste de l'intention parodique, à la saveur délicieuse faisant apparaître un sourire sur le visage du lecteur. Opeña est déchaîné pour le premier épisode. Il donne à voir les péripéties imaginées par
Remender avec un premier degré irrésistible. Il s'approprie les conventions visuelles établies dans les EC Comics, tout en y intégrant des éléments plus modernes, à commencer par la morgue d'Heath Huston.
Les acrobaties à dos de poissons volants sont à couper le souffle. le lecteur peut sentir les poils d'Huston commencer à roussir sous l'action de la chaleur de la lave. La tension du public est palpable alors que Huston et Keith s'apprêtent à livrer un combat à mort dans l'arène. le crash du vaisseau sur la planète Neasivia emporte tout sur son passage. Les habitants de cette planète sont macabres à souhait. Opeña assure le spectacle au premier degré, avec de rares touches discrètes laissant la liberté au lecteur de s'amuser de ces actions spectaculaires, de ces clichés. La mise en couleurs de Michelle Madsen habille ces cases de manière à augmenter les effets de volume, à faire irradier la chaleur de la lave, à rendre compte de l'impression de couleur végétale, ou de l'éclat métallique des coursives. Elle n'abuse pas de la palette infographique et se limite à de discrets dégradés, de telle sorte à ne pas supplanter les traits de contour.
En passant aux épisodes 20 & 21, le lecteur ne ressent pas un brusque hiatus visuel. Jerome Opeña a donc réalisé les finitions, c'est-à-dire préciser les dessins et les encrer. Les personnages conservent donc le même registre d'expressivité, les mêmes traits de visages, les mêmes silhouettes. Éventuellement, le lecteur peut estimer que la mise en scène se fait un peu moins spectaculaire, un peu moins efficace, et qu'elle perd sa sensibilité goguenarde. La gestion des arrière-plans est également un peu moins adroite que celle d'Opeña. Il n'y a qu'un seul défaut de narration : le fait qu'Heath Huston soit éjecté dans l'espace sans son casque à la fin de l'épisode 20 et qu'il le porte au début de l'épisode 21. Pour le reste, l'implication de
Kieron Dwyer ne génère pas de solution de continuité visuelle.
Pour pouvoir apprécier ce quatrième tome, le lecteur doit garder à l'esprit la caractéristique de la narration, à savoir sa dimension parodique. S'il ne le fait pas, il éprouve des difficultés à gober tout ce que lui balance
Remender, Opeña et Dwyer, en matière de péripéties, de clichés de récits de science-fiction, et de révélations sur la vie des personnages. En ayant à l'esprit que les auteurs forcent la dose sciemment, il apprécie sans honte ces aventures débridées, ces coups de théâtre dignes d'une sitcom, ainsi que le portrait cruel des principaux personnages, de leur détresse existentielle, de leurs erreurs aux conséquences insupportables, de ces pauvres humains souffrant des coups du sort, ballottés par des forces sur lesquelles ils n'ont aucune prise. Il se rend également compte que la situation est complexe et ne peut se réduire à une lutte du bien contre le mal.