AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Alexandre Ferdinandus (Illustrateur)
1237 pages
Jules Rouff et Cie (12/09/1884)
3.5/5   1 notes
Résumé :
Nous n’avons pas encore dans notre base la description de l’éditeur (quatrième de couverture)
Ajouter la description de l’éditeur

Vous pouvez également contribuer à la description collective rédigée par les membres de Babelio.
Contribuer à la description collective
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Monument du roman-feuilleton lacrymal et bienveillant, Émile Richebourg connût un succès phénoménal lors des trois dernières décennies du XIXème siècle, durant lesquelles il imposa un style qui était relativement nouveau dans le feuilleton, souvent énergique et brutal. Eugène Sue, avec « Les Mystères de Paris », avait alors établi au milieu des années 1840 les codes musclés du roman-feuilleton "républicain", que la plupart des nouveaux auteurs exploitaient fidèlement.
Sans rien changer à cette formule, Émile Richebourg y apporta un minimalisme et une lenteur auxquels aucun écrivain ne voulait trop se risquer, de peur qu'une baisse de rythme fasse fuir les lecteurs. En réalité, Richebourg a surtout attiré un lectorat nouveau de "concierges" et de "femmes de chambre" que la frénésie et le morbide des romans-feuilletons effrayaient un peu trop.
Cependant, Richebourg évolue assez classiquement dans des intrigues, aux ficelles déjà fort exploitées par ses collègues, d'enlèvement d'enfants, de coups montés, de crimes sordides, de détournements d'héritages, d'amours contrariées, et autres péripéties boulevardières. C'est au niveau de la forme que Richebourg affirme sa différence : c'est un conteur doux, patient, attentionné, qui prend véritablement son lecteur ou sa lectrice par la main, pour narrer son histoire avec énormément de précautions, de préparations, et de ménagements. Émile Richebourg avait sciemment choisi de s'adresser à un public naïf avec une délicatesse mielleuse, onctueuse, enveloppante, qui était alors aussi efficace que rassurante.
Il faut sans doute voir dans ce style particulier l'origine rurale d'Émile Richebourg, modeste fils d'un coutelier d'un petit village de Haute-Marne, qui monta sur Paris seulement pour faire des études de comptable. Il se distingua de la plupart de ses collègues, souvent parisiens ou issus de grandes villes, de par cette origine campagnarde et par ce premier emploi monotone, que n'accompagnait pas, au départ, une réelle vocation littéraire. Embauché pour être le trésorier du Figaro, c'est par ce métier, qu'il exerça durant dix ans, qu'Émile Richebourg se familiarisa avec le milieu des lettres que, même une fois parvenu à la gloire, il ne fréquenta jamais.
S'essayant d'abord à des vaudevilles et des petites pièces de théâtre, c'est suite à une proposition du « Petit Journal », célèbre quotidien républicain, que Richebourg se convertit au feuilleton. Mais c'est finalement à partir de 1875, au sein de « La Petite République », le journal de Léon Gambetta, qu'Émile Richebourg devient l'un des feuilletonistes les plus lus en France, grâce à deux romans qui demeurent encore ses oeuvres les plus célèbres, « L'Enfant du Faubourg » (1876) et « Les Deux Berceaux » (1877).
le succès titanesque de ces deux romans vont faire d'Émile Richebourg un quasi-millionnaire, dont le succès ne faiblira pas jusqu'à sa mort. En 1884, Émile Richebourg quitte Édouard Dentu, son éditeur historique aux tirages relativement modestes, pour signer chez Jules Rouff, un jeune éditeur apparu en 1873, et qui mise absolument tout sur les productions à la chaîne, d'abord sous la forme de petits fascicules à parution hebdomadaire, puis par le biais de luxueuses éditions illustrées, solidement reliées, en format géant, et souvent en plusieurs tomes.
On peut dire de Jules Rouff qu'il fut la « Pléiade » du roman populaire, tant non seulement l'éditeur publia des auteurs contemporains de feuilletons jusqu'à la Première Guerre Mondiale, mais parce qu'il réédita également, sous ce gigantesque format, de nombreux auteurs classiques du roman-feuilleton (dont les romans d'Eugène Sue) ainsi que quelques auteurs prolifiques et emblématiques du XIXème siècle, comme Paul de Kock, Victor Hugo, Alexandre Dumas, ainsi que les célèbres (en leur temps) « Chroniques de L'Oeil-de-Boeuf » de Georges Touchard-Lafosse.
Ce choix d'éditeur compta beaucoup pour la postérité d'Émile Richebourg, qui fut ainsi ponctuellement réimprimé par Jules Rouff jusque dans les années 1930, tandis que les éditions précédentes chez Dentu sont devenues fort rares et extrêmement cotées.
« La Petite Mionne » fut le premier roman de Richebourg pour Jules Rouff, et donc, grâce à l'extrême compétence de l'éditeur, l'un des mieux distribués et les mieux vendus. Ce n'est pourtant pas l'un des meilleurs livres d'Émile Richebourg, car il semble que l'éditeur, qui voulait impérativement une oeuvre en deux tomes, a poussé l'auteur à étirer son histoire plus qu'elle ne pouvait l'être.
le roman commence par un postulat de départ situé dans le passé : le Comte de Soleure est un aristocrate français d'origine russe. Sa mère, à la cour du tsar, s'est prise de passion pour un jeune comte français qui l'avait sauvée d'un cousin qui la harcelait. Prématurément veuve, la Comtesse de Soleure a élevé seule, et en le couvant sans doute un peu trop, son jeune fils, qui a attendu la quarantaine pour se marier. Contre la volonté de sa mère, il s'est amouraché d'une jeune demoiselle de compagnie, Raymonde Duchemin, fort belle et très sensuelle. Hélas pour lui, cette roturière à qui il offrait une merveilleuse ascension sociale est en réalité une intrigante et une séductrice perverse qui, avant son mariage, était la maîtresse d'un petit voyou, Jacques Vernier, qu'elle parvient d'ailleurs à faire engager au château des Soleure comme jardinier.
Un matin, le scandale de la relation adultère de Mme La Comtesse avec le jardinier éclate après la découverte d'une correspondance torride ! L'affaire est d'autant plus grave que la jeune Comtesse est enceinte de plusieurs mois, et que se pose la question alors insoluble en ces temps lointains : enceinte de qui ?
Pour la Comtesse-Mère, qui a toujours détesté sa belle-fille, la réponse est évidente : c'est forcément du jardinier. Il faut donc faire disparaître tous les éléments de ce scandale : Jacques Vernier, après avoir été ligoté et copieusement fouetté par les hommes de mains de la Comtesse, suivant des méthodes authentiquement russes, est remis à la police, après avoir été faussement accusé de vol de bijoux. Raymonde est consignée dans sa chambre jusqu'à ce qu'elle donne naissance à son enfant. Après quoi, on lui offre une somme coquette pour changer d'identité et disparaître. On fera croire à une mort subite de la jeune comtesse et on enterrera un cercueil vide.
Enfin, le bébé à peine né, une adorable petite fille, il est confié à Antoinette Morel, une paysanne d'un village voisin qui a déjà deux enfants, Lucien et Denise. L'émissaire de la Comtesse-Mère lui offre 20 000 francs (somme colossale pour l'époque) afin d'adopter le nouveau né qu'on lui apporte sans poser de questions. La petite fille est baptisée Herminie, mais sera surnommée « Mionne » par ses frères et soeurs.
Hélas, l'argent a corrompu François Morel, le mari d'Antoinette, qui s'adonne sans retenue à un alcoolisme forcené, ruinant le couple, et provoquant la mort prématurée de son épouse. Resté seul avec les trois enfants, François les exploite, puis, pris d'une démence, menace de les tuer. Les trois enfants s'enfuient hors du logement, paniqués. François Morel est arrêté, enfermé dans un asile de fous, tandis que Lucien et Denise sont séparés puis adoptés chacun par des familles habitant des villages éloignés. Herminie n'est pas retrouvée, on la suppose morte dans les bois environnants, et on l'oublie. En réalité, Herminie s'est évanouie à plus de 500 mètres de sa maison, au bord d'une route, et a été ramassée par un saltimbanque en carriole, qui venait de démissionner de son cirque, un brave homme nommé Ambroise Mourillon, qui sauve la petite fille d'une mort certaine, et l'adopte, tout en l'emmenant avec lui sur les routes.
Vingt ans plus tard, près de Paris, nous faisons nuitamment connaissance avec quatre hommes qui ne se connaissent pas mais qui errent au bord d'un lac au bois de Boulogne, avec le projet de se pendre à la branche d'un des plus gros arbres : il y a là deux artistes, poussés au désespoir par la misère, le poète Alexis Mollin et son ami, le peintre Georges Ramel. Mais ils trouvent déjà prise la branche sur laquelle ils voulaient conjointement mettre fin à leurs jours. Par un réflexe bizarre, ils sauvent un pauvre homme au moment où il saute dans le vide. C'est un ouvrier de filature nommé Ernest Renaudin, qui a voulu se suicider à cause d'un chagrin d'amour.
Cette touchante scène a un témoin, un quatrième homme venu initialement lui aussi pour se pendre au même arbre, décidément très populaire chez les dépressifs. C'est un homme d'affaires nommé Florentin Broussel, dont on apprendra plus tard qu'il n'est autre que le Comte de Soleure, lequel après avoir parcouru pendant des années le vaste monde, est revenu en France, miné par le remords d'avoir abandonné celle qui était peut-être sa fille à un destin misérable et inconnu.
Pourquoi le Comte de Soleure a-t-il changé de nom ? Et bien… Afin que le lecteur ne le reconnaisse pas trop tôt, voyons !
Broussel se présente alors aux trois hommes, et les invite au restaurant. Cette scène de sauvetage l'a ragaillardi, même si ce n'est pas le cas de ses trois invités qui, pour être toujours en vie, ne sont pas délivrés de leurs tourments. Broussel leur propose alors un pari : chercher à retrouver la joie de vivre durant les deux prochains mois, sans attenter à leurs jours. S'ils n'y parviennent pas, ils auront le droit légitime de tenter à nouveau de se supprimer.
En sortant du restaurant, les quatre hommes traversent la Seine sur un pont, et aperçoivent alors une jeune femme, sur la rive en contrebas, qui, inexplicablement, se jette à l'eau fin de s'y noyer. Il y a des jours comme ça, où tout le monde ne pense qu'à mourir…
Alexis saute depuis le pont, et sauve la jeune femme, laquelle est fort jeune et très jolie. Elle s'appelle Laurence mais refuse d'expliquer pourquoi elle a voulu se suicider.
Florentin Broussel a donc bien du pain sur la planche, car son plan est d'utiliser son argent et son influence pour faire le bonheur de ses nouveaux amis. Ainsi, il recourt à un de ses serviteurs, un ancien saltimbanque roi du déguisement, pour passer commande de nouvelles oeuvres à Alexis Mollin et Georges Ramel, en les leur payant d'avance. Quant à Etienne Renaudin, il est expédié comme ingénieur en Russie.
Avec l'argent, et bientôt la gloire, nos anciens dépressifs rencontrent aussi l'amour : Alexis s'est épris de la jeune Laurence, qu'il a sauvée. Georges, lui, tombe sous le charme d'une jolie petite voisine à laquelle il a demandé de poser pour son nouveau tableau, une certaine Herminie Mourillon, qui se trouve être la fille du saltimbanque complice de Florentin Broussel.
Les sentiments sont réciproques, tous ces rescapés de la dépression pourraient se marier et faire des enfants, seulement le roman s'arrêterait là. Aussi, c'est d'abord Laurence qui refuse le mariage, à cause de son secret : elle pense avoir été violée par un certain Durosoy qui lui a fait boire un narcotique, mais elle ignore qu'elle a été sauvée de justesse par un jeune peintre nommé Lucien Morel, l'ancien frère de lait d'Herminie, qui, depuis, est devenu l'élève de Georges Ramel. Quant à ce dernier, il se voit refuser la main d'Herminie par Ambroise Mourillon, qui sait ne pas être le vrai père d'Herminie et ne se sent pas le droit moral de donner son accord pour un mariage.
Pourtant, Georges Ramel est devenu en quelques mois un bon parti. Soigneusement exposé et promu par Florentin Broussel, c'est déjà un peintre célèbre dont les toiles sont recherchées. Il attise d'ailleurs l'attention de Mme Joramie, l'épouse dévoreuse d'hommes d'un millionnaire candide, M. Joramie. Elle veut obstinément devenir la maîtresse de Georges Ramel, lequel n'a d'yeux que pour Herminie. Mme Joramie, choquée que l'on repousse ses faveurs, décide de faire disparaître sa rivale.
Si seulement elle savait ce qui l'attend… Car Mme Joramie est en réalité Raymonde Duchemin, l'épouse indigne du Comte de Soleure, qui, comme promis s'est créée une nouvelle identité, et a épousé (illégalement, donc, puisqu'elle est déjà mariée) un homme d'affaires bonne pâte qu'elle trompe continuellement avec le Tout Paris. Raymonde Joramie enlève donc la Petite Mionne pour la torturer et la tuer, sans savoir qu'il s'agit de sa fille naturelle…
Heureusement, cet enlèvement et ses suites vont permettre à tous les personnages de comprendre qui ils sont, les uns pour les autres, même à la Petite Mionne, sauvée de justesse d'une mort terrifiante, et sur le corps de laquelle on découvre une tâche de naissance que possède aussi le Comte de Soleure : Herminie est donc bien sa fille !
Pour finir, rejetée par tout le monde, répudiée même par son mari, qui a fini par comprendre quel monstre lubrique était son épouse, Raymonde Joramie retombe dans les griffes de Jacques Vernier, qui ne lui a pas pardonné de l'avoir abandonné vingt ans plus tôt, et la poignarde à mort !
Plus rien désormais n'empêche Alexis et Laurence, ainsi que Georges et Herminie, de convoler en justes noces, ayant tous retrouvé richesse et bonheur…

Résumée ainsi en quelques lignes, l'action semble palpitante, mais hélas, étalée sur 1237 pages, elle est en réalité bien trop languissante, surtout que l'auteur ne se prive pas de s'étaler en d'interminables dialogues creux et effarés, et que les deux tiers du roman se concentrent sur les différentes tentatives d'Alexis et Georges pour épouser leurs belles, ainsi qu'à celle de Mme Joramie pour séduire Georges Ramel.
Émile Richebourg a commis l'erreur de diluer son roman aux moments où son intrigue est la plus statique, au lieu d'en prolonger les scènes d'action les plus cruciales. Il évitera fort heureusement cet écueil l'année suivante dans « Les Millions de M. Joramie », la suite de « La Petite Mionne » qui reprend les mêmes personnages trois ans plus tard, et qui est bien plus réussi.
L'intérêt majeur de « La Petite Mionne », c'est avant tout son iconographie, car les nombreuses illustrations (près d'une centaine) de cet épais roman sont signées par le graveur et illustrateur Alexandre Ferdinandus, qui s'abandonne, notamment dans ses représentations de Raymonde Duchemin / Mme Joramie, à un érotisme torride, avec poitrine dénudée, alors que la sensualité de la jeune femme n'est que très légèrement esquissée par l'auteur. Il est possible que le succès de ce roman soit aussi lié au caractère érotique et fantasmatique de ses illustrations.
Toujours est-il qu'Émile Richebourg ne dût pas trouver ces fantaisies à son goût, car les illustrations pour « Les Millions de M. Joramie » furent confiées à un graveur à la plume beaucoup plus sage.
Commenter  J’apprécie          30


Livres les plus populaires de la semaine Voir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs (1) Voir plus



Quiz Voir plus

Sur la piste des homonymes

pioche et veste

brouette
manche
poche
truelle

13 questions
278 lecteurs ont répondu
Thèmes : lexique , homonymeCréer un quiz sur ce livre

{* *}