Notre siècle, il faut le clamer bien haut, gagne considérablement à être comparé de façon méthodique avec les moeurs, usages et coutumes des époques qui l'ont précédé. La vie des races comme celle des individus passe par des alternatives de santé, de maladie, de passion et d'accalmie; mais la nature humaine demeure invariable. C'est pourquoi le philosophe Sénèque écrivait déjà, — il est plaisant de vous le rappeler, — il y a près de dix-neuf cents ans :
" Nos aïeux se sont plaints, nous nous plaignons après eux ; nos descendants se plaindront également après nous ; mais toutes choses n'en resteront pas moins au même point, un peu en deçà, un peu au delà, comme les flots poussés par le flux et le reflux de l'immense Océan. "
Tout en reconnaissant que l'eau du ciel est le plus favorable et le meilleur des cosmétiques, vous nous permettrez, en effet, de regretter que l'idole faite pour vivre dans le temple de Paphos, ne soit plus, comme elle le fut naguère, la créature hiératique, troublante sous ses enluminures, image incertaine et inconstante de ses propres perfidies, d'autant mieux belle qu'elle demeurait plus perverse et tout à fait en dehors de la nature, savoureuse vierge du mal en éternelle représentation à l'avant-scène de notre humanité assoiffée de décoration et d'attirants mystères.
"La fin des livres" d'Octave Uzanne