Quand vous viendrez, écrit-il à un éditeur, ne demandez pas Hokusaï, on ne saurait pas vous répondre; demandez le prêtre qui est emménagé récemment dans le bâtiment du propriétaire Garobei, dans la cour du temple Mei-ô-in, au milieu du petit bois. » Il ne restait jamais deux mois dans le même endroit; il changeait de nom comme il changeait de place: on compte au moins neuf signatures différentes de lui. A l'article de la mort, à quatre-vingt-neuf ans, il écrivit une brève poésie, selon la coutume japonaise: « Oh ! la liberté, la belle liberté, quand on va se promener aux champs de l'été, l'âme seule, dégagée de son corps. » Mourir, c'était se remettre en route, pour dessiner encore. Sur sa pierre tombale, on inscrivit Gwakiôjen Manjino Haka, tombe de Manji, vieillard fou de dessin.
Par prévention de classe, plutôt que par conviction esthétique, le public auquel s'était toujours adressé l'art classique traita de haut l'art populaire. Nobles qui révéraient les divertissements et les paysages à l'ancienne mode, ils ne daignaient s'intéresser aux acteurs, aux courtisanes, aux moeurs dissolues et aux décors de la grande ville neuve où ils devaient publier leur servitude.
Le charme de jeunesse et de printemps que gardent encore en sa fleur les « images de brocart » peintes par Harunobu enchanta ses contemporains. Comme naguère Moronobu et Masanobu, il se vantait d'être un peintre du
Yamato, de ne pas abaisser sa dignité jusqu'à représenter des acteurs, « humbles individus qui ne valent guère mieux que des mendiants»; mais, tandis que ses prédécesseurs avaient dû se contenter de traits noirs avec rehauts de rouge ou de laque, puis d'impressions en trois couleurs, lui para ses belles des cinq ou six tons que les progrès de l'estampe mettaient à sa disposition. Et ce fut le triomphe de l'Azumanishiki-ye, de la gravure en couleurs, gloire de Yedo.
L'art au Japon était resté jusqu'au XVIIe siècle un divertissement noble; mais la fin du XVIe siècle fut une époque de bouleversements politiques et sociaux. Le pouvoir passa des mains de la grande famille des Ashikaga en celles d'un petit samuraï, Nobunaga, puis d'un parvenu, Hideyoshi, enfin de son lieutenant Ieyasu qui, sur le Japon maté pour deux siècles et demi, assit le pouvoir de la dynastie des Shogun Tokugawa.
Public spécial, artistes spéciaux: l'Estampe a aussi son répertoire spécial; la principale héroïne en est la bijin, jeune fille ou jeune femme, courtisane le plus souvent, et cela au moment même où la culture chinoise, toute-puissante sur les samuraï et sur les lettrés, chasse la femme de la littérature classique dont elle avait été la reine.
Jean-Louis Aubert interprète en live "Bien sûr", un extrait de son nouvel album #ONPC