La dernière éruption du vieux dieu remontait à 1706. Pour Hokusaï enfant, ce n'était donc pas tout à fait encore un monde de légende, mais une présence active, inquiétante. Ce monde sauvage, cette échelle du ciel était un repère familier, une étape visuelle et sensible. Dans le monde toujours médiéval de Edo, nulle sensibilité n'accédait encore à l'impérieuse nostalgie des grands espaces.Il eût été bien improbable alors que Hokusaï donnât du Fuji une vision romantique. Il fit davantage et moins. Il le manifesta. Il fit courir, rire, travailler, méditer les hommes à son pied. N'était-il pas, lui, immuable et constant dans le monde de la vie flottante ?
Si les changements de noms n'ont jamais favorisé l'identification et l'attribution d'une œuvre, ils n'ont toutefois pas de signification propre dans une culture accoutumée à forger un nom pour chaque nouveau règne, accoutumée aussi à n'user de noms que dans les situations et par rapport à elles, et non dans l'absolu.
(...)
L'identité fixe, tout comme l'orthographe exacte, sont des inventions relativement modernes et ne sont que des arbitraires, des commodités au bénéfice d'une administration qui a mis des siècles à prendre l'ampleur qu'elle a aujourd'hui.
p45
Dites à l'ouvrier que le ton de l'encre claire doit être de même que la soupe de coquillages, c'est-à-dire claire comme tout. Maintenant, pour le ton de l'encre demi-foncée, si on tire trop clair, ça ôte de la puissance à la teinte, et c'est le cas de dire à l'ouvrier tireur que la teinte demi-foncée doit avoir une tendance épaisse, un peu semblable à la soupe de haricots.
En tout cas, j'examinerai les essais, mais dès à présent je recommande ces détails, parce que je veux arriver à obtenir une bonne cuisine de mes dessins.
p162
Le grand thème développé par ces hommes perdus du passé était "Honneur à l'Empereur et dehors les barbares". Dans ses textes et dans ses déclarations les plus engagés, Mishima ne parle pas de chasser les barbares, mais seulement de restaurer la symbolique impériale, et donc de retrouver le sens des rites qui subsistent en son temps. En cela, il n'est pas exclusivement rétrograde et passéiste, il n'est pas seulement écrivain que l'on qualifierait sans retour chez nous d'extrême-droite et réactionnaire : il cherche appui sur une réalité mouvante du Japon qui est déjà près de s'effondrer, qui régresse mais qui n'est à ce moment ni résorbée ni détruite, et ne l'est pas même aujourd'hui. Cet appui, c'est la religion spécifique au Japon, son paganisme propre : le shintô.