L'influence du Kabuki sur l'essor de l'estampe japonaise
3e partie de la conférence à la Fondation Pierre Bergé Yves Saint-Laurent le 19 juin 2012
Le voyageur qui aborde le Japon découvre avec la silhouette du mont Fuji émergeant des nuages l'image d'une permanence. Elle inspira les artistes à travers les siècles. Au gré des étapes, par les villes et les campagnes, le visiteur retrouve les prêtres shintô, les moines mendiants, les offrandes destinées aux esprits kami, les jardins zen, les blasons des monastères et des plus anciennes familles, les jouets de bois, les ex-voto, les foulards décorés d'une estampe... Tout le Japon d'hier imprègne celui d'aujourd'hui et l'aborder, c'est enter dans un temps sans frontières.
[Postface] : Depuis l’âge de six ans, j’avais la manie de dessiner les formes des objets. Vers l’âge de cinquante, j’ai publié une infinité de dessins ; mais je suis mécontent de tout ce que j’ai produit avant l’âge de soixante-dix ans. C’est à l’âge de soixante-treize ans que j’ai compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons, des plantes, etc. Par conséquent, à l’âge de quatre-vingts ans, j’aurai fait beaucoup de progrès, j’arriverai au fond des choses ; à cent, je serai décidément parvenu à un état supérieur, indéfinissable, et à l’âge de cent dix, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant. Je demande à ceux qui vivront autant que moi de voir si je tiens parole. Ecrit, à l’âge de soixante-quinze ans, par moi, autrefois Hokusai, aujourd’hui Gakyo Rojin, le vieillard fou de dessin.
Un chat domestique est un chat qui vit dans une maison : la sienne, où il recherche ou tolère notre présence, qui lui procure chaleur, tendresse et nourriture. Rien d'asservissant ni pour lui, ni pour nous, nous nous complétons... Il nous comble par sa douceur, sa présence fidèle, son imagination, ses sautes d'humeur fantasques, cette veille - dont rien ne peut le distraire - dans laquelle il se tient au seuil de l'invisible, de l'inaudible (...).
La contemplation de la Nature ne peut être absente de l’âme du Japon ; au XIXe siècle les artistes expriment quelque chose d’entièrement nouveau : ils sont eux-mêmes « dans » le paysage, ils y retrouvent des traces, des pas, des difficultés qu’ils ont dû surmonter pour traverser des fleuves ensablés, gravir des pentes escarpées ; l’émerveillement soudain devant une cascade qui se précipite dans le vide, ils l’ont éprouvé.
« LeTōkaidō fut pour Hiroshige ce que le Fuji était pour Hokusai : une passion. »
(Nelly Delay)
(Pour Hiroshige), la nature était aussi vivante que les êtres humains… De voyage en voyage, son œuvre se diversifiait, il changeait d’angle de vue comme un vrai Japonais, héritier d’une civilisation de la globalité du monde.
"Le chat s'en va tout seul et tous lieux valent pour lui..."il sillonna les mers sur les bateaux avec pour mission de réduire la présence des rats; les longs chemins ne lui font pas peur ;il se nourrit de peu, boit moins encore, et surtout il sait où il va : vers l'est, là où le soleil reparaît à l'aube, car il est, lui, le chat, le gardien de la naissance de la lumière. Les déserts ne lui sont pas étrangers : il est né dans les sables de Libye.
Le folklore japonais met également en scène des "renards- sorciers" qui se muaient en chats pour pouvoir mieux pénétrer dans les maisons des hommes, ou des "chats-vampires"...un chat magique célèbre est le Neko-bake, vieille femme-sorcière qui prenait la forme d'une chatte pour s'introduire dans les maisons, y voler les enfants désobéissants et les manger.
Hiroshige entretenait avec la « route » un dialogue dont les amateurs d’estampes – ses contemporains – n’étaient que des témoins. Dans le « Tôkaidô », les êtres humains n’ont d’importance qu’anecdotique ; ils ne sont rien d’autre qu’une ponctuation qui permet d’appréhender l’échelle du monde ; ce sont seulement des silhouettes, des « indications » d’humanité.
Hiroshige voua toute sa vie à peindre tous les paysages possibles, toutes les routes du Japon, en toutes saisons, par tous les temps. Plus qu'un paysagiste, selon la conception occidentale du terme, il fut un véritable "portraitiste" de la nature.