Étudier les Styles, c’est donc étudier l’Art dans ce qu’il a à la fois de plus général et de plus particulier, de plus évident et de plus subtil. C’est mieux encore, c’est étudier la vie morale et intellectuelle des peuples. Rien, en effet, n’est en ce monde le résultat du Hasard, au sens propre du mot, et tout a sa raison d’être. Fontenelle, qui à beaucoup de bel esprit joignait un sens très philosophique des choses, disait que, pour connaître les maladies dont un peuple est travaillé, il suffit de lire les affiches placardées sur ses murs. « On ne conçoit pas plus, écrit Diderot, qu’un être agisse sans motif, qu’un bras de balance agisse sans l’action d’un poids. » Le raisonnement est plus juste encore quand il s’agit d’une collectivité.
« Le Style, a dit Buffon, n’est que l’ordre et le mouvement qu’on met dans ses pensées... Bien écrire, c’est tout à la fois bien penser, bien sentir et bien rendre. C’est avoir en même temps de l’esprit, de l’âme et du goût. Le Style
suppose la réunion et l’exercice de toutes les facultés intellectuelles. Les idées seules forment le fond du Style. L’harmonie des paroles n’en est que l’accessoire, et ne dépend que de la sensibilité des organes. Il suffit d’avoir un peu d’oreille pour éviter les dissonances, et de l’avoir exercée, perfectionnée par la lecture des poètes et des orateurs, pour que mécaniquement on soit porté à l’imitation de la cadence poétique et des tours oratoires. Or, jamais l’imitation n’a rien créé... »