Georges n'est pas mon véritable nom. Pour la simple et bonne raison que je n'en ai pas. Comment pourrais-je en avoir puisque je n'existe pas à proprement parler? Pour simplifier les choses, disons que je suis une sorte d'avatar. Ou plutôt de réceptacle. Oui, c’est cela... Je réunis en moi les âmes de tous les guerriers morts au combat, depuis la nuit des temps.
Les mexicains étaient, selon le Capitaine, plus d'un millier. Peut-être le double. Et nous ne sommes qu'une soixantaine. Nous n'avons aucune chance. Jean regarda ses compagnons. Tous portaient les stigmates de la fatigue et du désespoir : yeux cernés de noirs, teint maladif, joues creuses – ils n'avaient rien mangés depuis deux jours.
J'ai erré sur un nombre incalculable de champs de batailles. Tant, en réalité, que je ne sais même plus à quand remonte ma "naissance", si on peut appeler vie l'état dans lequel j'évolue. Et je dois dire que j'ai rarement vu pareille ténacité, pareil courage. J'ai presque honte de prendre des âmes si braves. Mais tel est le prix.
La 3ème Compagnie était désormais une armée de morts-vivants que rien n'arrêterait tant que les légionnaires parviendraient à refuser leur fatale destinée. Combien de temps tiendraient-ils? Une heure? Deux? Qu'importe. Ils se battraient jusqu'à la mort : ils étaient des légionnaires, et ils avaient prêté serment.
Ce café est certainement dégueulasse, se dit-il, mais c'est le meilleur que j'ai jamais bu. Peut-être parce que c'est le dernier. Peut-être, justement, parce qu'il n'en pouvait rien savoir.