J'ai déjà lu précédemment la biographie de Talleyrand d'Emmanuel de Waresquiel, qui est excellente car très complète. Mais même complète, il y a toujours des choses que l'on ignore sur ce personnage assez extraordinaire de l'histoire de France.
J'ai bien aimé ce livre car il ne cherche pas à dresser un portrait parfait de Talleyrand. Il complète en quelque sorte cette biographie, car il s'interroge sur certains faits particuliers, importants dans la vie de Talleyrand: l'authenticité de ses mémoires qui avaient beaucoup déçu ses lecteurs, et la mort du duc d'Enghien.
Le choix de ses sujets m'a particulièrement intéressée. D'une part parce que je ne savais pas que la publication des mémoires des Talleyrand s'était accompagnée de controverses. D'autre part parce que la mort du duc d'Enghien est suffisamment dramatique pour avoir laissé une trace de sang indélébile sur la réputation de Napoléon et Talleyrand.
Le livre est bien construit, pédagogique. Il rappelle bien les épisodes parmi ceux les plus marquants de l'histoire de cet homme complexe. Il est également très bien documenté. Les auteurs apportent un grand nombre de témoignages directs de personnes qui ont pris part aux événements ou qui ont vécu à la même époque. On a donc différents points de vue sur les mêmes faits, ce qui permet d'avoir une approche qui ressemble à une véritable enquête.
Le mystère des mémoires de Talleyrand a été très intéressant, mais ce qui m'a le plus marquée dans cette lecture, c'est les détails racontés à la fois par les auteurs et par des témoins, de la vie et la mort du duc d'Enghien. Les auteurs ont pris la peine de raconter plus en détails la vie du duc, ses amours avec la princesse Charlotte de Rohan et l'enlèvement du fils de cette dernière ordonné par Talleyrand. En bref, cette mort est un drame particulièrement injuste et révoltant.
Voici une citation contenue dans ce livre, de
Paul Lombard, un avocat qui a commenté la condamnation à mort du duc:
« La présence d'un défenseur protège le prévenu, mais aussi les magistrats. Elle écarte d'eux la connivence et la partialité. La parole libre conserve une justice indépendante. L'homme accablé doit pouvoir s'appuyer sur un autre homme dont la mission consiste à faire obstacle. le pire des criminels, devant un tribunal, devient une proie, la justice sans avocat n'est rien d'autre qu'une forme endimanchée de la vengeance. »
Ou voici encore une citation du jurisconsulte Dupin, qui a également commenté le procès. Il rappelle un principe qu'il est toujours de bon de rappeler, même aujourd'hui:
« Un prévenu privé de conseil n'est plus qu'une victime abandonnée à l'erreur ou à la passion du juge. Celui qui condamne un homme sans défenseur cesse d'être armé du glaive de la loi, il ne tient plus qu'un poignard. »
Ce livre m'a appris de nouvelles choses sur Talleyrand, mais aussi sur ces personnages qui ont gravité autour de lui, ou qui ont malheureusement fait les frais de sa politique et stratégie.