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Critique de gerardmuller



La fille de Joyce /Annabel Abbs
L'histoire commence dans un cabinet de psychanalyste, celui du Dr Carl Gustav Jung, à Küsnacht, petite ville située à quelques kilomètres au sud de Zürich sur la rive orientale du lac du même nom. Nous sommes en septembre 1934 et Lucia, la fille de James Joyce, le célèbre auteur de Ulysse, suit depuis trois semaines et à la demande de son père, une thérapie afin de faire obstacle à une dépression qui la ronge depuis un certain temps. Elle a alors vingt-sept ans.
Plutôt taciturne depuis le début du traitement, elle a décidé aujourd'hui de parler et répondre aux questions du Dr Jung, car elle veut pouvoir danser à nouveau, retrouver sa passion, sa raison de vivre.
La première question déconcerte totalement Lucia : « Vous avez dormi dans la même chambre que votre père jusqu'à l'âge de dix-huit ans. Comment faisiez-vous pour vous changer ? » La réponse tout aussi surprenante est immédiate : « Je dormais tout habillée. »
Au fil de la conversation, Lucia se demande si le Dr Jung voit au fond de son âme dévastée et vide, les dépossessions et les trahisons dont elle été l'objet.
Le Dr Jung lui parle alors de son père, le pornographe comme il l'appelle, mais pour Lucia, son père reste un génie et elle considère Ulysse comme le plus grand livre jamais écrit. Il lui parle ensuite de son frère Giogio qui est chanteur et qu'elle adore comme un frère jumeau, puis de Samuel Beckett, son premier amour
C'est alors qu'elle s'écrie : « Je sais par où commencer mes mémoires. »
Les premiers souvenirs évoqués remontent à novembre 1928. La famille, d'origine irlandaise est installée à Paris. Les louanges de la presse sur la danseuse Lucia Joyce, vingt et un an, la plus talentueuse de ses élèves selon son professeur, sont le sujet de discussion familiale ce matin-là. Ambitieuse et acharnée, Lucia débute une carrière de danseuse et de chorégraphe, et par sa prestation, elle s'est rapidement faite un nom au théâtre des Champs-Élysées. Pour elle, la danse moderne est l'alphabet de l'indicible et l'écriture du corps. En récompense, le père offre un grand repas dans un grand restaurant avec tous les proches, et notamment Émile, le compositeur et accompagnateur de Lucia, qui est amoureux d'elle. Sans réciprocité hélas.
Mais alors que le repas suit son cours, Lucia voit derrière une vitre un visage qui l'observe d'un regard perçant et fugace en même temps. Elle sent alors une agitation l'envahir, comme si quelque chose était sur le point d'éclore au plus profond d'elle. C'est le commencement d'une folle histoire.
C'est à la maison familiale que Lucia va revoir l'inconnu qui s'avère s'appeler Samuel Beckett et travailler pour son père presque aveugle, lui faisant la lecture et d'autres tâches de bureau. À chaque apparition de Beckett, Lucia sent son coeur battre la chamade. C'est à Kitten, sa meilleure amie, qu'elle confie ses sentiments : elle est follement amoureuse de Beckett, éprouvant une sensation époustouflante d'invincibilité, de dissolution du temps et de l'espace.
Le récit de Lucia se poursuit avec alternativement des retours au présent chez le Dr Jung, à qui elle confie les mémoires qu'elle rédige, et qui tente toujours de la faire parler alors qu'elle réside dans un sanatorium où elle se sent espionnée par une certaine Mme Baynes, son infirmière, qui tente de lui extorquer des confidences. Lucia a toujours pensé qu'elle était la muse qui inspirait son père. le Dr Jung est dubitatif…
Un nouveau coup de théâtre survient quand Émile, le compositeur et accompagnateur, la demande en mariage. Elle se sent piégée… Cette période marque le début d'une hallucinante descente aux enfers pour la jeune fille…
Naïve jeune fille qui a rêvé sa vie et va continuer de la rêver sans que ses rêves soient vécus, les prenant pour des réalités. Étouffée par son père, un monstre de père, rejetée par ses amours dont elle fut la proie facile, elle perdra la santé et après avoir connu durant cinq ans une certaine célébrité comme danseuse, elle fera connaissance des maisons dites de santé. C'est sa voix que l'on écoute tout au long des 560 pages de ce bouleversant et déchirant témoignage qui crescendo va vers un dénouement hallucinant.
Aujourd'hui, qui se souvient de Lucia Joyce (1907-1982), la fille du grand auteur irlandais James Joyce (1882-1941) qui en 1929 révolutionna la danse contemporaine ?
Un livre qui marque, qui cogne et qui ne laisse pas indemne. Et qui dans un certain sens rend justice à Lucia une jeune fille enthousiaste et passionnée.
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