J'ai découvert Ki-oon à leurs débuts dans les années 2000 avec le titre de Dark Fantasy : Ubel Blatt, qui m'a faite vibrer jusqu'au bout. J'étais moi aussi dans une période "fantasy" et j'ai été ravie d'en découvrir un de qualité en mangas. Les années ont passé, l'éditeur a diversifié son catalogue mais il revient enfin à ses premiers amours avec Frieren, un titre dont la réputation l'a précédé et qui propose une toute autre fantasy que celle de son aîné.
Série en cours et à succès au Japon, Frieren compte déjà là-bas 5 tomes alors que les deux premiers viennent de sortir chez nous dans une double édition simple et collector de toute beauté (avec artbook exclusif). Ki-Oon a vraiment mis les petits plats dans les grands pour faire une grosse campagne de promo autour de ce titre, en lequel ils croyaient, ce qui en a fait le meilleur lancement de l'éditeur à ce jour ! Bravo à eux et merci pour cet engagement de passionnés qui fait si bien vivre le manga. Certains éditeurs pourraient prendre exemple ;)
Mais en quoi Frieren est-il différent des titres d'héroïc-fantasy que nous avons sur le marché ? Pourquoi le travail de
Kanehito Yamada et
Tsukasa Abe sort du lot ? Quand on jette un oeil rapide à l'oeuvre sans la lire, on a l'impression d'un manga du genre assez lambda où le dessin est assez typé fantasy et où les archétypes du genre : mage, guerrier, démon... sont bien repris. Pourquoi retient-il tant notre attention ? Tout simplement parce que, chose rare, il offre une vraie réflexion sur ce qu'il se passe après qu'une quête ait été menée à bien. C'est la première fois que je vois ça en manga !
Le lecteur est donc surprise d'être pris à contre-pied d'emblée et toute la dynamique du titre repose sur cela dans ce premier tome. L'histoire démarre par un premier chapitre qui pourrait être le dernier dans un univers d'héroïc-fantasy classique. Puis il embraye sur une vaste fresque lente et philosophique sur la notion du temps qui passe, des souvenirs et des relations entre les gens. C'est atypique. On a l'habitude des univers de fantasy un peu feel good, on a plusieurs titres de ce genre chez nous, mais ici c'est encore autre chose. Les auteurs proposent un titre où la clé est la nostalgie, la mélancolie et c'est superbe !
On est pour cela confronté à une héroïne qui fait aussi un peu contre-emploi. En effet, Frieren est une elfe qui peut vivre très très longtemps. Elle n'a donc pas la même relation au temps et aux autres. Elle a un côté très froid, voir passif, qui tranche en fait avec ce qu'on attend d'une héroïne en fantasy. Il y a ainsi une dichotomie fort intéressante entre sa passivité apparente face aux sentiments et sa nécessité croissante de ressentir ceux-ci et d'y être confronté à travers ses nombreuses belles relations présentes ou passé. C'est très singulier.
Avec elle, nous allons aussi vivre une aventure un peu hors du temps ou du moins une aventure où celui-ci ne se mesure pas de la même façon que d'habitude. Mais loin d'en ressentir une accélération malaisante quand on passe d'une décennie à l'autre, grâce à une magnifique narration muette - oh que j'aime ce procédé -, on a plutôt l'impression d'être propulsé face à la beauté d'un éphémère qui s'étire. Cela m'a subjuguée ! le temps qui passe n'est donc que l'occasion de se remémorer des souvenirs et d'en construire de nouveaux. Cela peut avoir l'air banal sur le moment, cela n'en sera que plus chérit par la suite et encore plus si c'est vécu avec des gens qu'on aime.
Le ton est donc volontiers très tendre dans cette histoire. L'émotion nous prend sans prévenir alors qu'on aurait pu s'attendre à quelque chose de très froid. Mais voir notre héroïne rester la même tandis que ses amis vieillissent prend aux tripes. Chaque chapitre est ainsi l'occasion d'une douce aventure rappelant un bout de la quête initiale depuis longtemps finie avec nostalgie. C'est comme un jour sans fin, un long voyage sans but, du moins en apparence, mais où les rencontres et les souvenirs feront tout !
Avec ce premier tome, à l'habillage de qualité, Ki-Oon me fait très plaisir en revenant à ses premiers amours mais de manière originale et rassurante. Cela détonne oui et non dans le paysage manga français car c'est en plein dans la lignée des titres feel good qu'on commence à voir fleurir dans le genre, mais Frieren a aussi un petit truc en plus avec son héroïne à contre-emploi et son exploitation d'un joli décor très classique d'héroïc fantasy pour proposer une réflexion plutôt philosophique sur la vie. C'est un superbe voyage.
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