C'est ce que nous faisons nous autres humains. Nous attendons que le pire arrive à nos semblables, et nous allons nous asseoir aux premières loges, en salivant d'avance au spectacle, pauvres tarés frustrés et voyeurs que nous sommes.
[...] mais une fois qu'une erreur est commise, on ne peut l'effacer. Tout ce qu'on peut faire, c'est essayer de se frayer un chemin à travers le bordel innommable qu'on a laissé derrière soi.
Ce n'est pas seulement la soif d'en savoir plus qui me ramène au bercail. J'ai besoin de revoir El, aussi. Je suis irrémédiablement liée à elle, en dépit du danger. Je n'y peux rien. J'ai cru pouvoir la repousser, toutes ces années durant, mais j'en suis incapable. Je croyais que je pouvais me passer d'elle. C'est faux. Et cette idée me terrifie [...]
El est mon destin. Je ne lui échapperai pas. Elle est revenue, et elle va tout détruire. J'ai toujours su que ça finirait comme ça.
La vibration de mon téléphone évoque la course d'un cafard sous le lit. Pas de danger réel. Et pourtant, je suis terrifiée. Le même pressentiment qui veut qu'un coup frappé à la porte alors qu'on se prépare à aller se coucher annonce de mauvaises nouvelles ou la visite d'un assassin qui vous a choisie pour réaliser ses fantasmes.
"Je réalise brusquemment à quel point il est difficile de soulager la souffrance d'autrui. Il n'y a pas de méthode pour améliorer le passé. Pour le rendre meilleur. Mais pour la première fois de ma vie, je sais qu'il est temps d'oublier mes problèmes passés pour essayer, au moins, d'aider un peu les autres."
- Ce n'est pas du tout ce que tu penses.
- Si tu savais ce que je pense, Antonio, tu serais surpris.
En atteignant la porte, je lance un regard par-dessus mon épaule. Franck est toujours en train de me regarder. Il le fait avec une pointe de compassion qui peut paraître étrange, compte tenu du fait que je ne suis au fond qu'une parfaite étrangère.
(Chapitre 6)
El m'observe froidement de ses yeux gris-bleu. Elle saisit ma main et glisse ses doigts entre les miens, comme elle l'aurait fait, enfant, si l'on nous avait donné une chance de vivre entre sœurs.
(Chapitre 3)
J’observe l’image de ma mère. Je voudrais pouvoir lui demander ce qui s’est passé. La vérité. Mais il est trop tard, maintenant, pour exiger des réponses. Tout est enterré avec elle, hors de portée. Je me souviens de ce que Matt m’a dit. Quand nos parents meurent, ils emportent avec eux une part de nous. Une part qui était la leur, depuis le début. Je me demande si l’inverse est vrai aussi. Peut-être qu’ils laissent une partie d’eux-mêmes derrière eux. La part d’eux qu’il nous revient de conserver. Si je le veux vraiment, peut-être que sa part d’elle continuera de vivre en moi ?