La peur est personnelle. Elle peut être cachée. On l’observe dans le noir de sa solitude. Alors que les cris… Ils reflètent nos drames. Montrent au monde que nous avons échoué. Les cris désignent des coupables, des victimes, des problèmes, rarement des solutions. Tais-toi, Hamza, tais-toi, je t’en prie, je ne supporte plus tes paroles décousues.
Je crois en Dieu. J’ai des valeurs. Je veux juste donner à mes futurs enfants une vie confortable. Je ne veux pas qu’ils vivent comme moi.
Les gober d’un coup me ferait penser à des médocs. On n’avale pas ces pilules comme on le fait de cachets d’aspirine. Il faut les laisser se dissoudre dans la salive tout doucement, pour avoir l’impression qu’elles s’infiltrent dans tous les recoins du corps. Elles se savourent, comme une femme.
A douze ans, on espionnait les filles lorsqu’elles allaient aux toilettes. A quinze ans, on draguait les lycéennes. Aujourd’hui, Chakib magouille à droite et à gauche. Il achète des chaussures confisquées par la douane, qu’il revend à prix d’or aux riches de Sidi Yahia.
Faire l’autruche n’est pas de tout repos, mais ça nous permet de continuer à vivre sous le même toit. Et puis, qu’est-ce que je pourrais lui dire ? Que ça ne se fait pas pour une fille de bonne famille de fumer ? Elle me rirait au nez.
Il n’est plus dans nos habitudes de nous confier l’un à l’autre, du moins pas avec des mots, seulement avec des regards.
Dans quelques secondes, je vais sentir l’odeur de la cigarette
qu’elle va fumer. Là encore, elle sait que je sais mais on fait semblant. Pour éviter les questions, les réponses, les décisions.