Citations sur Hors-bord (26)
Les hommes pouvaient discuter de royalties, d’herbe, de sexe, de scénarios et de politique. Les filles, abandonnées à leur sort, fille, espace, fille, espace, fille, espace – quatre jeunes femmes et quatre chaises vides à la plupart des tables –, avaient plutôt l’air absent, effrayé. La gent masculine semblait réticente à aller se coucher. L’addition posait toujours problème. Certains habitués faisaient comme si elle n’existait pas.
...ce sont des écrivains qui n’écrivent pas. Que les « écrivains écrivent » est censé aller de soi. Les gens aiment le dire. Je sais que c’est rarement vrai. Les écrivains boivent. Les écrivains rouspètent. Les écrivains téléphonent. Les écrivains dorment. Je connais très peu d’écrivains qui écrivent pour de bon.
Certaines personnes gagnent du terrain grâce à l’envie ou la rage.
Le problème avec les mots croisés du journal du dimanche est que, arrivé à la moitié, vous pouvez vous retrouver à suivre la trace d’un esprit que vous abhorrez. Je commence, comme la plupart des gens, par les définitions à trous, « 53 vertical…-lyre » et je continue avec les mots dont je suis sûre. Je m’aperçois que si j’arrive à remplir rapidement le coin supérieur gauche, je suis incapable de finir la grille. Je ne sais pas pourquoi. Il faut attaquer en premier le centre de la grille ou bien ça ne marche pas.
Tous les entraîneurs font des scènes – comme si ces fractures, ces cicatrices, ces grognements, ces coups, ces claudications et ces nez cassés en valaient vraiment la peine. Ils croient peut-être que le hockey sur gazon pour les filles, le football pour les garçons les aideront à mieux appréhender leur vie d’adulte. Ces entraîneurs, hommes ou femmes, ont toujours eu des disciples. En fait, de tous ceux qui ont été en pension dans une grande école progressiste ces années-là, je ne connais personne qui, sur ces terrains de sport, n’ait pas souffert d’une blessure ou d’une défiguration sans gravité mais à jamais handicapante.
Seule dans la voiture de sport, roulant à toute allure à travers la campagne, j’ai chanté, le volume de la radio à fond. Janis Joplin. Pas la plus joyeuse des chansons, à aucun niveau, mais parmi les plus belles paroles : « La liberté n’est qu’un mot pour dire qu’on n’a plus rien à perdre. » J’imagine que oui, d’une certaine façon.
J’aime la concision. Mais, clairement, ce n’est pas mon fort. Au milieu d’une conversation animée, y compris avec des gens qui se coupent la parole, je dois réprimer l’envie de répondre du tac au tac à toutes les interventions de tout le monde comme si elles m’étaient adressées. J’ai remarqué cet élan chez d’autres personnes. Ça électrise l’ambiance. Ça se termine parfois par des conversations dans des langues étrangères.
Parfois, le but, au fond, est de savoir qui veut quoi. Parfois, il est de savoir ce qui est juste ou gentil. Parfois, le but est une dynamique, un fait, une qualité, une voix, un indice, une chose explicite ou implicite. Parfois, c’est à qui revient la faute, ou ce qui arrivera si vous ne réagissez pas immédiatement. Le but évolue et se perd de vue. Vous ne pouvez pas passer votre temps à le guetter ou bien c’est l’évidence que vous perdrez de vue : incarner l’un des personnages principaux de votre propre vie.
L’une des petites vérités qui rassurent les gens ou les font subtilement enrager est de savoir qui – quand on a eu l’esprit ailleurs durant un mois ou une année – est encore de ce monde.
La première phrase peut s’apparenter au coup de marteau, ou avancer lentement pour se faire aimer. Elle peut vous donner une grande tape dans le dos avec une jovialité fraternelle, ou vous soutirer de l’argent. Certains écrivains sont des procureurs, d’autres des médecins au chevet de leurs patients, et d’autres encore prennent ce ton docte qui vous rend dingue. Le problème est que, en littérature, je reconnais chaque style sur-le-champ, et que je les déteste tous.