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Citations sur Elegies du Nord Suivi de les Secrets du Metier (29)

1 La Création
C'est parfois cela : une sorte de langueur,
Aux oreilles l'horloge sonne à n'en plus finir ;
Au loin les roulements du tonnerre qui se meurt.
J'entends comme des voix inconnues et captives,
Comme des plaintes et des gémissements,
Un cercle mystérieux lentement se resserre,
Mais dans ce gouffre de murmures et de sons
Un bruit s'élève qui domine tous les autres.
Et le silence autour est si irrémédiable,
Qu'on entend l'herbe pousser dans la forêt,
Le Mal rôder sur terre en portant sa besace...
Mais voilà que soudain on distingue des mots,
Et le déclic sonore des rimes légères.
Alors je commence à comprendre,
Et les vers qu'on me dicte viennent se déposer
Sur la neige blanche du papier.

5 novembre 1936 La Maison aux Fontaines
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Notre temps sur terre passe vite,
Étroit est le cercle qui nous est dévolu.
Mais lui, il est immuable, éternel,
Du poète il est l'ami inconnu et secret.


("5. Le lecteur", dans 'Les secrets du métier', 11juillet 1959)
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J'ai été, tel un fleuve,
Détournée de mon cours par un temps sans pitié.
On a remplacé ma vie par une autre. Elle a coulé
Dans un autre lit, auprès d'un autre,
Et mes propres rives me sont inconnues.
Oh, que de spectacles j'ai manqués,
Et le rideau sans moi se levait
Et sans moi retombait. Que d'amis
Je n'ai jamais rencontrés de ma vie,
Oh, que de villes dont les contours
Auraient pu faire jaillir mes larmes,
Mais je n'en connais qu'une seule,
Même en rêve, à tâtons, je saurais la trouver.
Oh, que de poèmes jamais écrits,
Leur chœur en secret autour de moi rôde
Et il se pourrait bien qu'un jour
Ils finissent par m'étouffer...

(Extrait de "Cinquième", dans "Élégies du Nord")
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Dès le début il m'avait semblé être
Le rêve de quelqu'un ou bien son délire,
Ou encore un reflet dans le miroir d'un autre,
Sans nom, sans chair, sans raison d'être.
Déjà je connaissais la longue liste de crimes
Que je devais commettre un jour.
C'est ainsi que, d'un pas de somnambule,
Je suis entrée dans la vie et je lui ai fait peur.
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Sixième

Les souvenirs en nous vivent trois âges.
Le premier - il semble que c'était hier.
L'âme demeure sous leur voûte bénie,
Et le corps ravi à leur ombre repose.
Le rire vibre encore, les larmes coulent,
La tache d'encre est toute fraîche,
Et scellant notre cœur, l'empreinte
Du dernier baiser - unique, inoubliable...

Mais cela ne dure guère et bientôt,
Ce n'est plus une voûte au-dessus de nos têtes,
Mais au fond d'un faubourg une maison perdue,
Où il fait froid l'hiver et chaud l'été,
Habitée d'araignées, couverte de poussière,
Où moisissent nos lettres d'amour fou,
Où les portraits sournoisement s'altèrent,
Où l'on se rend comme sur une tombe,
Et au retour, on se lave les mains,
À ses paupières lourdes, et l'on soupire.
Et l'on essuie une larme furtive
Mais l'aiguille de l'horloge tourne, les printemps
Se succèdent, le ciel s'empourpre,
Les villes changent de nom, et déjà
Il n'y a plus de témoin, personne
Pour partager nos pleurs, nos souvenirs.
Et lentement s'éloignent de nous ces ombres
Que nous cessons désormais d'évoquer,
Dont le retour nous glacerait d'effroi.

Et voilà qu'un beau jour, nous avons oublié
Jusqu'au chemin menant à cette maison perdue
Et, suffoquant de honte et de colère,
Personne ne nous connaît, nous sommes des étrangers.
On s'est trompé d'adresse... Et c'est alors
Que sonne l'heure la plus amère : nous comprenons
Que ce passé ne saurait plus s'inscrire
Dans les limites de notre vie présente,
Qu'il nous est devenu presque aussi étranger
Qu'à notre voisin de palier, que les morts,
Nous ne pourrions les reconnaître, et que ceux
Dont Dieu nous a autrefois séparés
Se sont fort bien passés de nous et même,
Que tout est pour le mieux...


5 février 1945, Maison aux Fontaines
(extrait de "Élégies du Nord") pp. 27-29
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Froufrou des jupes, plaids à carreaux,
Cadres en noyer autour de miroirs
Qu'Anna Karénine a laissés éblouis,
Et dans de longs couloirs ces tentures
Qu'enfants nous admirions sans fin
À la lueur jaune d'une lampe à pétrole,
Et toujours le même velours sur les fauteuils...

(Élégies du Nord)
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Sixième

La dernière source est la source froide de l'oubli.
La plus douce, celle qui calme l'ardeur de nos cœurs.
A. Pouchkine

Les souvenirs en nous vivent trois âges.
Le premier — il semble que c'était hier.
L'âme demeure sous leur voûte bénie,
Et le corps ravi à leur ombre repose.
Le rire vibre encore, les larmes coulent,
La tache d'encre est toute fraîche,
Et scellant notre cœur, l'empreinte
Du dernier baiser — unique, inoubliable...
Mais cela ne dure guère et bientôt,
Ce n'est plus une voûte au-dessus de nos têtes,
Mais au fond d'un faubourg une maison perdue,
Où il fait froid l'hiver et chaud l'été,
Habitée d'araignées, couverte de poussière,
Où moisissent nos lettres d'amour fou,
Où les portraits sournoisement s'altèrent,
Où l'on se rend comme sur une tombe,
Et au retour, on se lave les mains,
Et l'on essuie une larme furtive
À ses paupières lourdes, et l'on soupire.
Mais l'aiguille de l'horloge tourne, les printemps
Se succèdent, le ciel s'empourpre,
Les villes changent de nom, et déjà
Il n'y a plus de témoin, personne
Pour partager nos pleurs, nos souvenirs.
Et lentement s'éloignent de nous ces ombres
Que nous cessons désormais d'évoquer,
Dont le retour nous glacerait d'effroi.
Et voilà qu'un beau jour, nous avons oublié
Jusqu'au chemin menant à cette maison perdue
Et, suffoquant de honte et de colère,
Nous y courons. Mais là, comme dans les rêves,
Tout a changé — les gens, les choses, les murs,
Personne ne nous connaît, nous sommes des étrangers.
On s'est trompé d'adresse... Et c'est alors
Que sonne l'heure la plus amère : nous comprenons
Que ce passé ne saurait plus s'inscrire
Dans les limites de notre vie présente,
Qu'il nous est devenu presque aussi étranger
Qu'à notre voisin de palier, que les morts,
Nous ne pourrions les reconnaître, et que ceux
Dont Dieu nous a autrefois séparés
Se sont fort bien passés de nous et même,
Que tout est pour le mieux...

5 février 1945, Maison aux Fontaines

(Élégies du Nord)
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Oh, que de poèmes jamais écrits,
Leur chœur en secret autour de moi rôde
Et il se pourrait bien qu'un jour
Ils finissent par m'étouffer...

(Élégies du Nord)
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Le pays a la fièvre, mais le bagnard d’Omsk ¹
A tout compris, fait une croix sur tout,
Voilà maintenant qu’il mélange tout,
Et qu’il s’élance, planant tel un esprit
Au dessus du chaos originel. Minuit sonne.
La plume grince et de bien des pages
Emanent des relents de potence.

¹ Dostoievski
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Première
(Préhistoire)

La Russie de Dostoïevski. La lune
Est presque à demi cachée par un clocher.
Les cafés sont ouverts, les fiacres filent,
Des blocs de cinq étages se dressent rue des Pois,
Près de l'église de la Vierge, devant Smolny.
Partout des cours de danse, des bureaux de change,
Et à côté, des «Henriette», des « Basile », des « André »,
De somptueuses tombes : « Choumilov-l'Ancien ».
D'ailleurs la ville n'a guère changé.

(Élégies du Nord)
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