Les éditions Gallmeister non contentes de faire découvrir aux lecteurs des pépites méconnues de notre vieille Europe entreprennent aussi de rééditer des grands classiques américains en en proposant de nouvelles traductions.
Cerise sur le gâteau et plume sur le chapeau, leurs sublimes couvertures qui chatoient et attirent le chaland comme les sirènes Ulysse et ses compagnons.
C'est ainsi que j'ai succombé et acheté mon troisième exemplaire des « Quatre Filles du Docteur March » (j'avais hérité le premier d'une cousine, c'était un vieil exemplaire de la bibliothèque verte dans lequel il ne se passait pas... ce qui se passe vraiment : Jo y épousait Laurie et Beth guérissait de sa longue maladie et retrouvait toute sa vigueur pour toujours. le second je me l'étais offert, fidèle à l’œuvre originale, avec mon argent de poche, après avoir découvert le film avec Winona Ryder et Susan Sarandon).
Il était si beau, et j'aime tellement cette histoire au point de la connaître presque par cœur, qu'il me le fallait absolument. Question de vie ou de mort. Si, si.
Je me suis replongée dans le roman avec délectation et j'y ai retrouvé avec joie les délices de l'enfance, le confort moelleux de ma couette et du feu dans la cheminée, le bonheur d'une histoire doudou, tant aimée et tant répétée.
Le roman n'a pas changé et je le trouve toujours aussi bon, même du haut de mes 32 ans, je suis même surprise de lui trouver plus de profondeur encore que je ne le croyais ou que je ne l'avais perçu.
Jo est toujours ma préférée et celle à laquelle je m'identifie le plus.
Amy m'agace toujours autant, surtout quand elle brûle le manuscrit de Jo où qu'elle me donne des envies de citrons confits au vinaigre (je rêverai d'y goûter...mais je n'ai pas trouvé de confiseur compatissant).
Beth me touche encore et de plus en plus même si je la voudrais un peu moins douce parfois.
Quant à Meg que je trouvais parfois pimbêche, je l'apprécie davantage aujourd'hui.
Oh et Laurie !.. Il a été des années durant le grand frère que je n'ai pas eu. C'est encore le cas même si je conçois qu'on puisse avoir pour lui un léger béguin...
Bien sûr, on pourra m'objecter que l'intrigue est un peu plan-plan et moralisatrice ; que le roman a vieilli et qu'il est désuet. Ce n'est pas complètement faux, mais pour être honnête, ces défauts-là pour moi n'existent pas : je suis trop attachée à ce livre pour en percevoir les limites.
Et puis, «
Les Quatre Filles du Docteur March », c'est aussi une fresque familiale ambitieuse avec pour toile de fond la Guerre de Sécession dont elle discute et montre les conséquences, c'est un instantané de la vie en Nouvelle-Angleterre à cette époque et c'est précieux. C'est encore le récit d'apprentissage de quatre jeunes filles qui sont confrontées aux difficultés de l'existence et qui vont devoir faire des chois parfois cornéliens. Ce sont enfin de fines analyses psychologiques de quatre personnages féminins construits avec clairvoyance.
Et c'est une histoire avec laquelle je crois que nous sommes nombreuses à nous être construites : nous avons toutes eu une sœur totem et nous avons toutes analysé nos relation avec nos copains de cours de récréation à l'aune de notre rapport à Laurie.
Un vrai classique en somme, pour ce qu'il raconte et ce qu'il invente et pour ce qu'il apporte à ses lecteurs et lectrices depuis des années, comme si tout ce que chacun y avait puisé lui offrait un petit supplément d'âme et d'éternité.