La définition de la mort a beaucoup évolué. Elle peut être brutale ou survenir comme aboutissement du processus de vieillissement. Aujourd’hui, elle est constatée quand le cerveau est définitivement lésé. L’ancienne définition, l’arrêt du fonctionnement du cœur, n’a pas survécu à la réanimation cardiaque : on peut être réanimé et donc vivre après un arrêt cardiaque.
Le bien-vieillir est un beau combat qui ne doit pas être vécu comme un échec désespérant. La sagesse cultivée très tôt dans notre vie doit ainsi permettre de vivre notre fin de façon joyeuse. Nous devons à cette vision lucide et positive de la vieillesse et de la mort une meilleure prise en charge des mourants depuis une quinzaine d’années. ..
La mort a été socialisée et exorcisée au moyen des discours religieux qui lui accordent une place centrale quoiqu’à la signification variable. Pour les catholiques, les morts sont appelés auprès de Dieu ; pour les musulmans, la mort réalise le destin ; pour les hindouistes et les bouddhistes, l’Homme se réincarne et son passage sur terre en temps qu’humain n’est peut-être pas sa première vie.
Il est facile d’impressionner, encore plus de faire peur, quand on aborde le sujet de l’avenir de l’Humanité. Mais mon objectif n’est pas de jouer au prophète de malheur.
Nécessité fait loi, la résignation face à la mort a longtemps été la règle. La seule croyance que partage l’Humanité est celle que nous allons tous mourir, toujours.
En définitive, le projet transhumaniste consiste à nous débarrasser de toutes les frustrations d’une vie d’homme : la douleur1, la maladie, la vieillesse puis la mort. Le prix à payer étant une redéfinition radicale de ce que nous sommes et donc de nos valeurs. C’est en fait une pente glissante.
Dans ce monde déchristianisé et « désenchanté », le citoyen ne vit plus pour quelqu’un ou quelque chose (le roi, Dieu, la cité, etc.), mais pour lui-même. Son existence, et par conséquent sa préservation deviennent le but ultime, le grand projet vers lequel toute institution doit tendre. La seule grande valeur qui nous reste est la protection de la vie humaine.
D’ores et déjà, de nombreux intellectuels bioconservateurs s’inquiètent, peut-être à juste titre. Francis Fukuyama, le brillant philosophe américain et ancien conseiller du président George W. Bush, demande purement et simplement l’interdiction immédiate des biotechnologies... avant qu’il ne soit trop tard ! (condamneraient l’Homme et ses valeurs à disparaître.)
Nous sommes à la veille d’un bouleversement qui fera passer l’ensemble des progrès médicaux du XXe siècle pour des micro-événements.
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La fracture numérique restera cependant un épiphénomène, comparé à la grande « fracture génétique » qui s’annonce pour les années 2030.
La question n’est plus de savoir si la bataille contre la mort sera victorieuse ou non, mais quels seront les dégâts collatéraux de cette victoire sur la définition de notre Humanité.