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Citations sur Faut-il avoir peur du nucléaire ? (13)

D. de M. : Comment faites-vous ?

C. A. : Les solutions sont connues.
D'abord bien sûr l'isolation (doubles fenêtres, calfeutrages), ensuite associer de petits ordinateurs qui coupent automatiquement courant et chauffage lorsqu'on n'en a pas besoin, et puis les énergies nouvelles. La géothermie basse énergie et le photovoltaïque. La géothermie est scandaleusement sous-développée en France alors qu'elle est en expansion dans le monde. Elle pourrait être utilisée dans toutes les régions françaises. Il ne s'agit pas de fabriquer de l'électricité comme on peut le faire dans les régions volcaniques en Islande, en Nouvelle-Zélande ou en Guadeloupe mais d'utiliser de l'eau à 60 ou 80 ° C pour chauffer les immeubles ou les locaux commerciaux. Il y a des réserves potentielles pratiquement partout.

D. de M. : Mais vous parlez du photovoltaïque, je croyais que vous y étiez hostile ?

C. A. : Bien sûr que non ! Je suis contre lorsqu'il s'agit de remplacer les centrales nucléaires par des champs de panneaux solaires. Mais à l'échelle d'une maison ou d'un immeuble, c'est un chauffage d'appoint très intéressant, surtout si l'on stocke l'énergie produite dans la journée dans des batteries pour utiliser l'électricité la nuit.
Aujourd'hui le photovoltaïque est cher, trop cher, près de deux fois le prix de l'électricité nucléaire, mais des progrès importants sont en cours et le prix va baisser. C'est une source d'énergie d'avenir mais en énergie distribuée, pas en mode concentré. Bien sûr, on utilisera aussi un peu de chauffage au bois pour les habitations dans les régions septentrionales.
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D. de M. : On les stocke où ?

C. A. : Initialement, on voulait les stocker à grande profondeur (- 2000 mètres), sceller le tout et ne plus s'en occuper. Avec quelques autres, j'ai lutté contre cette solution, risquée géologiquement et psychologiquement mauvaise.

D. de M. : Pourquoi dites-vous "mauvaise" ?

C. A. : Parce que c'est physiquement inutile. Supposons que vous ayez 1 gramme d'un isotope radioactif, et que les rayonnements qu'il émet soient arrêtés par une épaisseur de terre de un mètre. Si vous en avez 1 kilo ou 10 kilos, ils seront toujours arrêtés par la même épaisseur de terre de 1 mètre. Il ne sert à rien de l'enterrer à 1000 ou 10 000 mètres ! Les distances parcourues par les radiations ne s'additionnent pas. Pas plus que dix sprinters ne courent plus vite qu'un seul d'entre eux ! L'idée de l'enfouissement très profond, c'était très largement parce qu'on voulait les enterrer pour ne plus les voir ! C'était le refus de voir le danger, et de le maîtriser. C'est une attitude pour moi irresponsable. Il n'y a aucune industrie, aucune activité humaine qui ne comporte pas une part de risque. Prendre sa voiture le dimanche est un risque beaucoup, beaucoup plus élevé que le nucléaire ! Les risques, on les identifie, et on prend les précautions nécessaires. La solution pour les déchets, adoptée grâce à François Mitterrand et Dominique Strauss-Kahn, alors ministre de l'Industrie, c'est de stocker les déchets en subsurface, avec un accès permanent. On peut ainsi les surveiller et, lorsque la technologie le permettra, les retraiter. Il est, en effet, possible de détruire une partie des déchets en les soumettant à des flux de neutrons rapides. Hubert Curien avait présidé une commission qui avait étudié cette possibilité dans le cadre d'une utilisation éventuelle de Superphénix. L'idée, bien sûr, c'est de détruire les déchets à vie longue.
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D. de M. : Ces traitements des cancers par irradiation sont-ils fiables ?

C. A. : Absolument. Certes, si on irradie des tissus humains sains à dose importante, on risque de provoquer la naissance d'un cancer. Mais, à l'inverse, si quelqu'un a un cancer, on peut bombarder les cellules malignes pour les détruire et les empêcher de se reproduire. C'est le principe de la radiothérapie. Ce qui est, bien sûr, dangereux, c'est l'inhalation ou l'ingestion d'isotopes radioactifs. Du coup, si les isotopes radioactifs se trouvent à l'intérieur du corps, ils vont l'irradier de l'intérieur, directement. Ils pourront se fixer sur certains organes et en détruire les cellules. Car, on l'a dit, une propriété des isotopes c'est de se comporter chimiquement de manière identique. Un isotope radioactif peut donc remplacer un isotope stable dans n'importe quel composé chimique, que ce soit une protéine ou un acide nucléique de l'ADN. C'est pour éviter cela qu'en cas de danger d'iode radioactif, on fait ingérer des pilules d'iode ordinaire. Cet iode va aller se fixer sur les composants de la thyroïde et diluera l'iode radioactif 131 ou 129, l'empêchant de se fixer à haute dose dans les tissus1.

Mais il ne faut pas ingérer ces pilules d'iode en période ordinaire car cela risque de perturber le fonctionnement de la thyroïde et de déclencher une hyperthyroïdie.
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D. de M. : D'où viennent ces irradiations ?

C. A. : De partout ! Nous recevons du soleil, de la lumière mais aussi des particules. Nous recevons continuellement un rayonnement venant de l'espace qu'on appelle rayonnement cosmique galactique -Il est constitué en majorité de protons, mais par interaction avec l'atmosphère ces protons déclenchent des cascades de neutrons beaucoup plus pénétrants-. (et lorsqu'on prend l'avion, ce rayonnement est multiplié par dix). Nous recevons un rayonnement provenant des éléments radioactifs naturels contenus dans les roches et tous les matériaux de construction (nos murs son radioactifs). Nous sommes soumis aux irradiations d'origine médicale : radiographie et scanner, radiothérapie, rayonnement provenant de produits radioactifs médicaux dispersés dans l'environnement. Notre corps lui-même est radioactif, et nous irradie. Nous avons absorbé du carbone 14 et du potassium 40 qui sont radioactifs, et qui irradient nos organes de l'intérieur. Dans notre corps se produisent chaque seconde 8000 désintégrations radioactives. La majorité est absorbée par nos tissus, car ce sont des électrons provenant du carbone 14 et du potassium 40, et ils ne sont donc pas détectés de l'extérieur. L'unité d'une source radioactive est mesurée par une unité qu'on appelle le becquerel (Bq). C'est l'activité d'une source radioactive d'un événement par seconde. La radioactivité du corps humain est de 120 Bq/kg, celle d'un granite de 6000 Bq/kg. La radioactivité émise par un homme de 70 kilos est à peu près celle de 1,2 kilo de granite ! Un mur en granite de 4 centimètres d'épaisseur émet 750 000 Bq par mètre carré. Durant une année, votre corps est soumis à deux cent quarante milliards irradiations par des électrons qui vous bombardent de l'intérieur même de votre corps.
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Faut-il avoir peur de la Radioactivité ?

D. de M. : Finalement, ce que tout le monde redoute, c'est la radioactivité ! C'est d'être irradié ou contaminé. Rien que le mot de radioactivité fait peur ...

C. A. : Pourquoi ce sentiment de peur vis-à-vis de la radioactivité ? C'est le résultat de plusieurs facteurs. Le premier est lié au caractère invisible et indétectable par nos sens de rayonnements produits par la radioactivité. Ils peuvent pénétrer notre corps sans que nous voyions rien, sans que nous sentions rien, sans que nous remarquions rien. C'est le danger invisible. Certes, il y a beaucoup plus de danger lorsque nous voyageons en voiture ou en avion, mais le danger est là : concret, palpable, certes potentiel mais bien cerné, bien défini. En ce sens, le nucléaire militaire est paradoxalement implicitement mieux accepté que le nucléaire civil. D'ailleurs, il n'y a plus de manifestations pour "sortir du nucléaire". Le second facteur qui suscite la peur, c'est le caractère différé de l'action du rayonnement. On apprendra cinq ou dix ans plus tard qu'on a un cancer dû à une irradiation passée. Lorsqu'on a un accident de voiture, d'avion ou lorsqu'une usine chimique explose, c'est brutal, terrible, mais les effets sont immédiat, instantanés ou presque. Les dangers radioactifs sont ressentis comme une espèce d'épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Avec, bien sûr, omniprésent l'amalgame civil-militaire.
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D. de M. : Vous ne considérez donc pas que la question des déchets est réglée ?

C. A. : Pas le moins du monde ! Et cela ne date pas d'aujourd'hui !
Lorsque j'étais président du BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières), je me suis trouvé devant un dilemme. On voulait enterrer les déchets à 3 ou 4000 mètres de profondeur. On allait faire un méga forage puis on mettrait ces maudits déchets au fond et on recouvrirait le tout de terre. Et on n'en parlerait plus ! Je considérais cette solutions comme coûteuse, inutile géologiquement et psychologiquement dangereuse.
Et, depuis deux ans, je m'étais exprimé sur le sujet.
Le hic, c'est que le BRGM allait être associé à l'opération avec un énorme contrat à la clé. Les syndicats venaient me supplier de me renier. "Monsieur le Président, je vous en prie, il faut que vous disiez que c'est une bonne solution, que vous avez changé d'avis, des contrats juteux pour nous sont associés à cette entreprise."
Dilemme cornélien. Je décidai non de me contredire, mais de ne pas intervenir ; la bataille que j'avais menée pendant cinq ans trouva pourtant la solutions que je souhaitais. On décida d'enterrer les déchets à 400 mètres de profondeur, au-dessus de la nappe phréatique et de manière que l'enfouissement soit réversible. Qu'on puisse récupérer les déchets et les traiter si les progrès de la science le permettaient.
Pour moi, cette décision était plus que technique, elle était philosophique. Au lieu d'enterrer les déchets pour s'en débarrasser, on les stocke de manière à les surveiller, on n'enterre pas le danger, on lui fait face et on surveille les évolutions.
Le risque zéro n'existe pas. Etre responsable, c'est faire face au risque et minimiser ses effets !
Aujourd'hui, la situation concernant les déchets n'est pas tragique en France, mais ce n'est pas pour moi un problème résolu, je m'expliquerait lorsqu'on parlera du futur du nucléaire.
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D. de M. : Il ne faut surtout pas les cacher ou les minimiser.

C. A. : Bien sûr. Nous reviendrons sur cette question de la transparence car aujourd'hui c'est un paramètre essentiel du débat public et politique sur le nucléaire !
Le premier accident a eu lieu en France le 17 octobre 1969, à la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux, dans le Loir-et-Cher. Une erreur de manipulation entraîne la fusion de 50 kilos d'uranium. On contrôle très vite la situation qu'officiellement on qualifiera d'incident et dont la publicité ne dépassera pas l'hexagone.
Le deuxième accident s'est produit le 28 mars 1979 à la centrale américaine de Three Mile Island, en Pennsylvanie. L'opérateur Metropolitan Edison minimise l'accident et fait un black-out total sur l'information. L'Amérique s'impatiente car des rumeurs se propagent. Jimmy Carter, Président responsable et courageux, visite la centrale pour apaiser les craintes croissantes sur une possible explosion nucléaire ! On saura plus tard que l'accident a été dû à des erreurs humaines mais qu'on a rapidement maîtrisé la situation. Pour autant, l'effet psychologique sur la population américaine sera désastreux. Et sur le monde encore plus. Si les Américains ne contrôlent pas leurs centrales, que dire du reste du monde !
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Centrales nucléaires.

C. A. : Quittons les bombes qui font peur, à juste titre, et revenons vers le nucléaire pacifique !
Les réacteurs nucléaires classiques sont eux aussi fondés sur l'exploitation de la fission de l'uranium 235 et la réaction en chaîne qu'elle induit. C'est une suite de réactions nucléaires entre le neutrons et les noyaux d'uranium 235. Comme nous l'avons dit, les neutrons provoquent la réaction, mais sont aussi les produits de la réaction. C'est cette double propriété qui provoque la réaction en chaîne. Cette suite de réactions nucléaires dégage une chaleur considérable qu'on essaye de récupérer pour générer de l'électricité.
Mais, à la différence d'une bombe dans une centrale, on évite que la réaction en chaîne ne devienne explosive. On la contrôle pour obtenir un état stationnaire, un régime permanent.

D. de M. : Comment fait-on ?

C. A. : On se sert des propriétés des neutrons. Les neutrons sont les agents de liaison, les vecteurs de la réaction ; si on contrôle leurs flux, on contrôle l'ensemble du processus.
Dans une centrale nucléaire de type classique, il y a cinq phénomènes essentiels :
- la fission des noyaux d'uranium 235 dont il faut contrôler le rythme,
- la récupération de la chaleur produite pour la transformer en électricité,
- le refroidissement de l'ensemble pour le maintenir à la même température,
- le confinement de l'ensemble pour que, s'il se produit un incident ou un accident, cela n'ait aucune conséquence sur l'environnement.
- enfin, qu'on s'assure que les éléments radioactifs produits lors de la fission ne contaminent pas l'environnement.
Ces conditions sont communes à toutes les centrales, de quelque type que ce soit.
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D. de M. : Depuis, on a cerné le danger !

C. A. : Oui, bien sûr, et on a défini les unités de mesure non seulement de l'activité radioactive, mais des effets de cette activité sur le corps humain. L'unité de radioactivité est le becquerel (Bq - une désintégration par seconde). L'unité d'action biologique, c'est le sievert (Sv). Retenons simplement, à ce stade, que les rayonnements peuvent être dangereux, mais seulement à partir d'une certaine dose d'un certain seuil, et qu'ils sont inoffensifs en deçà. Ce dernier point ne doit pas être oublié.
La meilleure preuve que ce n'est qu'à partir d'une certaine dose que vient le danger c'est que l'on soigne effectivement des cancers avec des expositions modestes au radium (c'est pourquoi l'Institut du radium a aussi un hôpital) et que l'on utiliser l'absorption de substances radioactives pour réaliser certaines imageries médicales1. Ce que l'on appelle l'imagerie par positron et la scintigraphie.
C'est vrai aussi que, en permanence, nous recevons des irradiations naturelles substantielles venant de l'espace ou des roches.
Les effets des radiations sur le corps humain dépendent de l'intensité d'irradiation et du temps pendant lequel on est irradié. Nous reparlerons de tout cela en détail.
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D. de M. : Mais les rayonnements agissent aussi sur la matière vivante ?

C. A. : Bien sûr. Ils agissent sur la matière vivante en détruisant des molécules, ou même des cellules. On sait par exemple que lorsqu'ils détruisent des molécules d'ADN ils peuvent provoquer des modifications génétiques.
L'Américain Müller a même obtenu avant la guerre des mutations sur la mouche drosophile par des irradiations de rayons X. D'un autre côté, la destruction des cellules par les rayonnements peut conduire à induire des cancers ou, a l'inverse, peut être utilisée pour détruire des cellules cancéreuses.
On n'a réalisé que ces rayonnements pouvaient être dangereux pour l'homme que petit à petit.
Au début des travaux sur la radioactivité, on pensait même que les irradiations étaient des phénomènes bénéfiques.
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