Citations sur Je mourrai une autre fois (11)
Zanco proteste :
-Jozu ! Tu peux parler normalement, tu dis des trucs, on comprend rien !
-Laisse-le le môme, il parle comme un livre, c’est pas nouveau, il a trop lu, il a trop de mots…
-On n’en a jamais trop, Gramolo. Les mots c’est beau, ça ne coûte rien et ça sert à tout. On a tous de l’or dans la bouche si on sait s’en servir…
Ils se battaient pour leur vie. Pour leur idéal. Pour l'avenir. Je leur dois de n'avoir jamais cédé au découragement. Si eux y avaient cru, s'ils y sont restés, alors je n'avais, moi, pas le droit de perdre espoir.
Elles ont beau pleurer leur père adoré, ce père qui a toujours faire d'elles des femmes libres, elles sourient à la vie comme il leur a appris à le faire.
- Laisse-le, le môme, il parle comme un livre, c’est pas nouveau, il a trop lu, il a trop de mots…
- On n’en a jamais trop, Gramolo. Les mots c’est beau, ça ne coûte rien et ça sert à tout. On a tous de l’or dans la bouche si on sait s’en servir…
(p. 288)
Quand, des années plus tard, j'entendrai parler des "hordes marxistes" dont Franco a prétendument délivré l'Espagne, je repenserai au bonheur qui courait dans les rues ce jour-là. A la joie qui déferla, simple, fraternelle, bienveillante. Les gens s'aimèrent, ce jour-là, comme jamais. Ils ne pouvaient pas se douter du prix qu'ils allaient payer pour cette liesse partagée.
Mon père est parti à la guerre. Il n'est pas le seul, ils sont des milliers. Il a juste oublié de nous préciser ce qu'on doit faire avec le vide qu'il a laissé.
Exils, nostalgies, souvenirs, regrets, qu’ont les miens que d’autres n’auraient pas ? Rien. Ce sont les miens, voilà tout.
(p. 9)
Queno se faufile la nuit dans ma chambre. Il a l’habitude de ces pérégrinations nocturnes, il déambule sans allumer, s'entraine à la cécité.
- ça m'est bien arrivé d'être sourd, on ne sait jamais. Si je deviens aveugle je saurais me débrouiller.
Je trouve ça idiot.
- Tu devrais aussi ramper sur le cul,n des fois que tu deviendrai cul-de-jatte.
Dis toi que pour avoir la joie de se retrouver, il faut bien se quitter.
L’angoisse pèse comme un gaz lourd, mais personne ne cède à la panique. Peut-être cherche-t-on, malgré la peur et l’épuisement, à garder plus longtemps les pieds posés en Espagne. A retarder l’inéluctable. Après tant de jours à marcher, à manger ce qu’on trouve, à dormir où on peut, à échapper aux bombardements, à préserver ce qu’il reste de dignité, après avoir ressassé jusqu’à l’obsession un sentiment d’irrémédiable perte, après avoir refusé de penser à ce qu’on va trouver derrière la frontière, on touche au ut avec l’envie de ne jamais l’atteindre.