Nous serions incapables de comprendre aujourd’hui le nombre incroyable de contraintes qui régissaient la vie. Il fallait se déplacer, il fallait manger, il fallait produire des poussins mâles incapables de pondre, qu’il fallait broyer vifs. On perdait du temps : on perdait de l’argent.
Malgré tout, l’objet de ma honte me poursuivait sans cesse. Impossible d’avancer sans voir sa silhouette recroquevillée de timidité. Mon brouillon. Mon frère. Mon jumeau. Intolérable part de moi-même qui ratait tout et ne savait pas vivre sans mon approbation.
La morte de Noémie Balhmot fut incroyable. Ses plus avides lecteurs passèrent plusieurs heures dans le déni, certains même éclataient de rire devant cette annonce. Les journalistes furent pris de court : elle faisait partie des personnalités trop jeunes pour qu’une nécrologie eut été soigneusement préparée dans le bien-nommé « marbre ».
La pesanteur m’immerge plus profondément. C’est un aller trop loin vers l’horizon. Je ne peux pas m’enfuir, je ne peux que m’enfouir, avec la compacité d’une enclume prête à blesser la terre.