Où sont les pleurs? Je ferme les yeux et les cherche. Le son monte en réponse à mon appel, plus fort, plus proche. Je l’accueille, je l’accepte, je le suis. Je me fonds en lui avec soulagement, comme si je retrouvais l’affection d’un ami. Je ne demande rien, ne lutte pas. Je ne cherche même pas à retenir qui je suis, à me souvenir de moi. J’accepte tout, avec reconnaissance, avec abandon. J’oublie le présent. Et quand j’ouvre de nouveau les yeux, elle est là.
- C'est pour une inscription.
- D'ordinaire, les exclusions nous sont transférées directement.
- C'est un déménagement.
Toute ma vie en trois phrases. Un malentendu ethnique immédiat et une condamnation sans procès. Si un jour je vais chauffer mes fesses en faculté, je ferai une thèse sur l'impact sociétal des différentes formes de discriminations dans le système scolaire.
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"J’essaie d’arracher ma main, mais elle tient bon. Quelque chose gonfle en elle, une forme indéfinissable qui me donne la sensation que je suis sous le regard d’un prédateur. Mes poils se hérissent, mais elle ne me laisse pas fuir.
— Écoute-moi bien. Ces mots sont pour le chat noir, et ton chat noir est roux. Il est pour le chat bossu et qui se cache dessous. Dis-lui : l’ombre que tu crains est au matin de Jupiter. Trois fois ils passeront. À la dernière, Jupiter cèdera. Ne soyez pas là."
Les héros de tous poils les ont affrontés dans la moitié des films que j’ai vus, et tous les gamins de tous les lycées, aussi mauvais soient-ils en histoire, citent HItler quand il faut trouver un bon gros salaud historique. C’est une chose de les voir en noir et blanc sur les pages de mon manuel et d’imaginer ce que ça a pu être ; c’est en est clairement une autre de déambuler dans les rues avec la possibilité de croiser Himmler et ses copains sur le trottoir.
Il y a un gouffre dans ma poitrine, un gouffre aux arêtes tranchantes. Si je m'en approche, il va me déchirer. Je me sens abominablement impuissant...
Je suis censé sauver les âmes des autres. Je jure que je ne laisserai pas ma famille en arrière sous prétexte des missions que m'inflige la mort, dussè-je en perdre la raison.
Je pensais que j'aurais plus à craindre des Allemands, mais je n'en suis plus aussi certain...
Ses mots sont étrangers, mais ils résonnent en moi. Comme l'éclosion de mon pouvoir, c'est comme s'il y avait là-dessous une vérité enfouie que je refuse de voir. Ce n'est pourtant pas le moment d'être aveugle.
Pas une seule fois, depuis que je sais que je suis un Passageur, je n'ai songé qu'il serait possible que je revienne à l'époque de l'Occupation Allemande. Pas une fois. C'est pas comme s'il y avait eu des âmes traumatisées, à l'époque ! Je suis un indécrottable naïf...
Chacun son fardeau, chacun sa croix. La mienne hurle devant moi. Je serre les poings : je ne peux pas exiger que ma petite sœur garde la foi en ses capacités si moi-même je recule à la première difficulté. Je suis terrorisé, je suis aveuglé par la proximité du maelström, mais je vais plonger dedans. Parce que je n’ai pas le choix. Je dois.