Parce que tu n’entends pas. Beethoven était complétement sourd quand il a écrit ce morceau. Mais il entendait. Ce que je joue, et je te joue l’un des plus beaux adagios de l’histoire – regarde leurs figures si tu ne me crois pas -, ce que je te joue, je ne le cherche pas en dedans. En dedans je suis vieux, malade, en dedans je suis vide, d’autres hommes y ont veillé, en dedans je suis sale. Pour jouer comme ça, tu devras prendre le goût du dehors. Là tu trouveras le rythme.
Nous fûmes trempés instantanément. Loin devant nous, une porte dans la pluie. Sans bâtiment autour, un rectangle pâle dans une épopée d'eau.
Les gendarmes étaient gentils. Ils s’arrêtèrent dans un restaurant de routiers qui ne fermait jamais, un peu avant Lourdes, pour nous payer des frites. Aujourd'hui encore, je ne peux pas voir un gendarme sans avoir envie de frites, puis de le serrer dans mes bras.
Ils étaient durs , ils étaient drôles, ils étaient sans victoires.
Mes amis.
Les soirs de tristesse, les soirs de vin aigre, je pense encore à eux.
- Quand Pilate condamna Jésus à la croix, tu crois que le Christ lui demanda pourquoi ?
Je n'en savais rien, moi, de ce que le Christ avait demandé ou pas. Du peu que je connaissais de l'affaire, je ne lui en aurais pas voulu s'il avait posé la question. On se serait peut-être aperçu qu'il s'agissait d'une erreur judiciaire, on aurait évité la catastrophe et on en aurait ri plus tard, autour d'un bon vin et de poissons multipliés.
Sans passé, sans avenir, sans avant et sans après, un orphelin est une mélodie à une note. Et une mélodie à une note, ça n'existe pas.
Sa voix était douce, une voix d'alto inattendue chez ce baryton d'homme.
Je partais pour un lieu dont on n’avait jamais entendu parler, puisqu’il n’est pas sur terre. Je partais pour un lieu dont vous n’entendrez jamais parler. Il est fermé depuis longtemps. L’orphelinat des Confins. Je dis fermé mais chez certains il saigne encore.
« Je joue comme ça, aujourd’hui, comme lors de notre première rencontre, car je ne joue plus pour moi. J’ai pris le goût du dehors. Je joue notre histoire. Ma sœur aux mille et quelques jours, un disque des Stones dans une valise, la haine des batraciens, l’herbier qui doit encore sécher là-bas, à l’ombre des Pyrénées, le parfum des lèvres que j’ai à peine touchées, les mains tachetées de Rothenberg, immobile à jamais dans les mains tachetées de Mina, les hoquets du magma, les vents solaires (...) je joue la vie et la mort comme si elles n’étaient rien, et elles ne sont rien. »
Les sages vieillissent plus vite et, dans ses yeux, le soir descend déjà sur son enfance azur.