Je suis fort peu portée sur les Prix Goncourt qui sont généralement de gros livres écrits tout petit et dans lesquels il n'y a pas d'images, pas même sur la couverture (ce n'est pas le cas ici). Sans compter que le Prix Goncourt a pour moi un goût d'entre-soi littéraire parisien qui ne m'intéresse guère. Cela dit, Babelio m'ayant encouragé à découvrir la version audio et celle-ci étant disponible sur NetGalley, cela ne coûtait rien d'y jeter une oreille.
Un livre bien écrit, cela se reconnaît dès les premières phrases. J'ai tout de suite été happée et séduite par le style de
Jean-Baptiste Andréa. Il y a un sens de la formule qui fait mouche, de la petite touche qui sort les descriptions du plan-plan, des dialogues enlevés... Surtout, il y a un humour très présent, même dans des moments plutôt tragiques. Car l'histoire que raconte
Jean-Baptiste Andréa est bien loin d'être une comédie, même si certaines scènes ou répliques m'ont franchement fait pouffer. Entre Mimo, orphelin de père qui grandit auprès d'un "oncle" sculpteur alcoolique et violent, et Viola, jeune aristocrate "trop intelligente pour être heureuse", on baigne dans la tragédie.
L'histoire est écrite du point de vue de Mimo, vieillard qui s'éteint dans un couvent isolé, couvent qui semble dissimuler un étrange secret. En alternance avec les souvenirs de Mimo se glissent un récit à la troisième personne qui nous permet de découvrir par petites touches quel est ce secret que le couvent garde jalousement. Ces insertions, tout comme quelques petites remarques que Mimo glisse parfois dans ses souvenirs maintiennent un suspens qui manque généralement dans les récits de vie comme celui-ci.
Jean-Baptiste Andréa est incontestablement doué pour maintenir l'intérêt du lecteur, bien que le livre fasse près de 600 pages (plus de 20h en version audio). On sent la patte de l'ancien scénariste de cinéma.
Par contre, il est moins doué, à mon goût pour la psychologie des personnages. Que ce soit Mimo ou Viola, j'ai eu beaucoup de mal à comprendre et plus encore à adhérer à leurs caractères et à leur évolution. de même, il me semble que l'auteur peine un peu à faire vibrer les émotions, en particulier dans le dénouement final.
En outre, tout au long de ma lecture, mais particulièrement au début, cette histoire me donnait une impression de déjà lu - ou plutôt de déjà écrit. Il y a dans la rencontre entre Mimo, le jeune garçon un peu rustre et ignorant, et Viola, la jeune aristocrate cultivée mais un poil arrogante, quelque chose qui me rappelait furieusement l'épisode d'Isabelle que
Marcel Pagnol raconte dans
le château de ma mère. Il me semble qu'il doit y avoir aussi comme un écho de
Martin Eden, de
Jack London, mais ne l'ayant jamais lu je dois en rester aux suppositions. Cependant, l'auteur étant un grand fan de ce roman, ce ne serait pas étonnant...
Cela dit, même si cette histoire n'est pas extrêmement innovante, ça n'en reste pas moins une lecture agréable et prenante. Cette histoire m'a laissé, lorsque je l'ai terminée, une impression étrange. En découvrant le mot de l'énigme à propos de la piéta, je me suis dit que ce que l'auteur dit de cette statue où l'oeil est tellement focalisé sur une partie du sujet qu'il passe à côté du vrai propos s'applique peut-être aussi à son roman. Finalement, ce roman est-il vraiment l'histoire de l'ascension et des vicissitudes d'un homme disgracié par la nature et la société ? Ou bien n'est-il pas davantage, en creux, l'histoire d'une jeune femme aux ailes brisées ?
Peut-être est-ce justement parce que le propos de ce roman tend vers quelque chose de presque philosophique que les émotions ont du mal à trouver leur place.
Je termine par un dernier mot sur la version audio. Léo Dussollier marche avec brio sur les traces de son père, au moins en ce qui concerne l'enregistrement de livres audio. Sa lecture est impeccable. J'ai particulièrement apprécié sa prononciation des noms italiens qui nous emporte un peu plus dans l'histoire.
J'ai eu le plus grand mal à enchaîner sur ma lecture suivante après avoir terminé ce roman, preuve qu'il m'a malgré tout remuée, captivée et interpellée.
Merci aux éditions Lizzie de m'avoir accordé l'accès à ce très beau roman sur NetGalley.
Challenge À travers l'histoire 2024