Lorsque le cybertaxi m'a déposé devant ma R.I. (Résidence Intégrée), l'araignée tic-tac m'a dit qu'il était 21h14. C'est commode d'avoir une araignée au plafond, même si parfois, quand il fait humide surtout, comme aujourd'hui et comme souvent, je sens ses huit petites pattes me gratouiller ou me chatouiller l'envers du cerveau.
Il y avait des mecs qui se marraient franchement, d'autres qui me faisaient des signes d'encouragement, et des femmes qui se frappaient la poitrine. Les pauvres, c'est vraiment clichés et compagnie.
Dans le noir, j'ai enlevé mon Brando et je me suis glissé dans mes draps. Je n'ai pas cherché le sommeil, il m'a trouvé tout de suite.
J'ai peut-être rêvé.
Mais ça, ce sont mes oignons.
A travers le grésillement épais de la pluie, j'ai vu la porte du bistrot d'en face s'ouvrir et un loquedu anonyme en sortir, humer l'air dégueulasse, secouer ses épaules de pauvre sous la pluie et avancer un pied nu marron de crasse dans les détritus spongieux qui encombrer le trottoir. Bien sûr il y avait d'autres clochards qui circulaient sous les trombes, autour de lui et autour de moi : les pauvres, ça n'a rien d'autre à faire qu'à se pousser sur le macadam en toute saison, et il pleuvrait de la merde que ça n'y changerait rien.
Je suais sous mon Stetson, il fait toujours beau dans les quartiers riches, il fait toujours chaud. Les riches n'aiment pas la pluie, ils n'aiment pas le froid, alors ils s'arrangent avec les services climatologiques. Le soleil brille pour tout le monde (c'est le titre d'un film de John Ford), mais surtout pour les riches.