page 125 [...] Chaque œuvre nait du travail de trois artisans : le modeleur, le sculpteur, l'ornemaniste. Le premier dégrossit la pierre au burin et au marteau ; bientôt, sous les formes rudes de l'ébauche, on devine la figure de l'ange, du Christ ou de la Vierge comme enveloppée dans un sac. Elle passe alors entre les mains du sculpteur qui donne au visage, aux membres, aux étoffes leurs lignes définitives. Vient enfin l'ornemaniste qui ajoute les fleurettes, les boutonnières, les franges et les broderies. Il emploie toute la série des ciseaux, pinçons, ognettes qui ressemblent parfois à des scalpels de chirurgien, parfois à des queues-de-rat. De temps en temps, il souffle au visage de Marie pour la dépoussiérer. Et Marie le poudre à son tour. Les trois compagnons ont enfin la face enfarinée comme des clowns. [...]
Par moments la plume d’Anglade devient poétique et cela donne…c’était la fin de la journée, le moment où les agriculteurs quittent leurs champs, où les chèvres rentrent à la chèvrerie, où les enfants sortent des écoles. Au loin, au-dessus de la mer moirée des cultures limagnaises, toute l’escadre des monts Dôme se tenait alignée, en formation de parade de part et d’autre du puy amiral. Là-dessus, le soleil couchant déversait des flots de sirop, fraise, framboise et groseille confondues.
(page 136)..pour sa part, l’Auvergnat traditionnel n’est pas un grand consommateur d’eau. Ni à usage interne ni à usage externe. On dit qu’il ne se débarbouille qu’une fois l’an: le matin du 1er janvier. Mais les plus purs représentants de l’espèce ne font toilette que deux fois dans leur vie: la veille de leur mariage et la veille de leur enterrement. Encore ne traitent-ils que le devant puisque le derrière ne se voit pas. Ces purs de purs croient au danger mortel de l’eau de fontaine, du savon et du socialisme; au pouvoir qu’a le tocsin d’éloigner la foudre; aux vertus de l’épargne; à l’influence de la lune sur l’humeur des femmes, la crue du seigle, des feuilles et des cheveux. Avant de passer chez le coiffeur, ils consultent leur calendrier: « J’attendrai la lunaison suivante, la coupe me durera quinze jours de plus ».
Sur la ville de Thiers, il écrit…étonnante ville de Thiers. D’où qu’on la regarde, on n’en voit jamais qu’un tiers. Étonnants habitants qui, sans être méridionaux, ont l’accent du Midi. Qui, plutôt portés à la paresse, se tuent au travail. Qui, plutôt pieux de nature, grand brûleurs de buis bénit en cas d’orage, se moqueraient du bon Dieu s’Il venait à passer devant leur porte, tellement ils sont enclins au rire et à la moquerie. Comment distinguer leur folie de leur sagesse?[règlement de compte d’un escoutois?].
Ralph était admis dans l'atelier paternel lorsque la scie ne tournait point. Il se délectait de l'odeur des bois, le sycomore sentait le poivre, le cèdre sentait l'encens. Il préférait l'odeur du pin, parfumé de sa résine.