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sur 1477 notes
Un jeune homme, Moïse est enfermé dans une cellule d'un poste de police de Mayotte, petite île française.Il a tué Bruce.
Arrivant gamin sur l'ile avec sa mère dans l'un de ces "kwassas kwassas", ces embarcations de fortune venues surchargés depuis les îles voisines avec ces émigrés cherchant là une vie meilleure dans ce paradis pour touristes. Ces touristes, et cette île aux belles plage et luxueux hôtels que Natacha Appenah ne nous dépeindra pas. Nous ne connaitrons que le coté sinistre de Mayotte. Moïse a des yeux vairons, un noir, un vert..signe de malheur qui lui vaudra d'être rejeté par sa mère et d'être suspecté par tous d'être habité par un djinn. Marie, infirmière au grand coeur sera là pour l'accueillir, bébé, et l'adopter. Toujours accompagné par son chien Bosco, il porte avec lui "L'enfant et la rivière".
Début d'un beau roman fait de courts chapitres dans lesquels alternent les voix de cinq personnages principaux. Outre Moïse et Bruce, vous ferez connaissance avec Olivier, policier surveillant Moïse dans sa cellule, Marie infirmière venue de France, Stéphane jeune travailleur humanitaire d'une ONG.
Mayotte, dans l'archipel des Comores, ce petit bout de France dans le détroit du Mozambique...une île qui a son bidonville, Kaweni surnommé Gaza. L'autre Gaza, aussi pauvre et violent que celui que tout le monde connaît. Un bidonville, qui reçoit les espoirs de clandestins venus là, depuis les îles voisines. Des clandestins et des conditions de vie dont on ne parle pas en métropole, Calais tenant le haut du pavé dans l'information journalistique, et pourtant l'orage gronde. Un autre petit morceau de France confronté à la misère du monde. Dans ce bidonville Bruce, petit chef violent de gangs d'adolescents livrés à eux-mêmes, fait la loi.
Des chapitres dans lesquels morts et vivants s'expriment, expliquent comment et pourquoi ils en sont arrivés là...un petit mot prononcé par l'un, un sentiment, une émotion, une situation vécus...et ce petit mot, ce sentiment, cette émotion, cette situation serviront de point de départ à un autre chapitre dans lequel un autre des principaux personnages s'exprimera, donnera sa version...et de fil en aiguille le lecteur reconstitue toute la trame des relations entre ces personnages, toute l'histoire de leur amour ou de leur haine, toute les mobiles du crime.
J'ai beaucoup aimé cette construction narrative et surtout le style de Natacha Appenah pour décrire les émotions de chacun des ses personnages. Cette lecture est dérangeante, voire bouleversante.

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C'est un tout petit livre que j'ai lu en quelques heures. Et je ne pense pas que ça ait été des heures agréables : C'est un petit livre rempli d'émotions négatives. le début n'est qu'aigreur et désespoir, pour vite tomber dans la violence. Mais cette succession de témoignages (un peu comme dans le roman de A Seurat, "La maladroite"), sont captivants : je voulais connaitre la suite, le pourquoi on en était arrivé là. Et au fond j'espérais tout de même une fin moins sombre que le reste du livre.
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Mayotte, confettis français sur l'Océan indien, est un concentré des problèmes du monde : crise migratoire sans précédent, chômage de masse, désastre écologique, questions identitaires… « Là-bas aussi les enfants meurent sur les plages », mais si loin de l'Europe.
Plus de trois mille « mineurs isolés » vivraient sur l'île. Ce vocabulaire administratif recouvre une réalité plurielle : enfants dont les parents sans papiers ont été expulsés, enfants abandonnés là par des parents espérant leur donner ainsi une chance de vie meilleure, enfants mahorais déscolarisés et livrés à eux-mêmes…
Dans un roman polyphonique mêlant la voix des vivants et des morts, Natacha Appanah raconte la vie de ces enfants perdus. Ils sont cinq à prendre la parole tour à tour comme dans une tragédie antique. Marie, mère adoptive de Moïse ; Moïse, l'enfant sauvé des eaux, 15 ans ; Olivier, policier ; Bruce, 17 ans « chef de guerre », comme il le revendique, chef de « Gaza », le bidonville de Mamoudzou ; Olivier, bénévole dans une ONG. Autour de la figure centrale de Moïse, chacun va raconter, dans la langue qui lui est propre, l'enchaînement implacable qui a conduit au drame. Natacha Appanah – journaliste avant d'être écrivain – dit avoir préféré le romanesque car il « permet une sincérité et une vérité que ne permet pas l'article de journal ou l'essai ».
Le choix d'une fiction à cinq voix lui donne toute latitude pour raconter le passé, les rêves, les doutes des uns et des autres, et placer le lecteur au plus près de chacun. Face à l'insupportable, l'imaginaire offre aussi un endroit où se réfugier, dans cette île où l'on croit aux fantômes et aux djinns, cette île paradoxale et magnifique où la beauté de la végétation tropicale, du lagon aux eaux « émeraude et opaline », côtoie l'extrême violence.
Nous ne pourrons plus dire « nous ne savions pas. »

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Appanah Natacha – "Tropique de la violence" – Gallimard/NRF, 2016 (ISBN 978-2-07-019755-2)

Un roman bien écrit, bien mené, sans pathos, au ras des faits, avec des changements du point de vue narratif, réparti entre les deux principaux protagonistes Moïse et Bruce, mais aussi Marie, Olivier et Stéphane. le récit se déroule dans le cadre du quartier Kaweni, surnommé "Gaza", à la lisière du chef-lieu Mamoudzou, à Mayotte, île des Comores restée dans le giron de la République française.

Née en 1973, l'auteur est mauricienne, ses aïeux sont arrivés de l'Inde, elle connaît ces îles de l'Océan Indien, elle a séjourné à Mayotte, elle écrit en français (dans une population massivement scolarisée en anglais, parlant créole ou l'une des langues indiennes, c'est méritoire). Elle ne recule pas devant les réalités les plus dures, celles qu'il est en général totalement interdit d'évoquer dans la France de la bien-pensance bisounours, qu'elle-même connaît pour les avoir vécues.

L'île de Mayotte est devenue le point d'entrée dans le "paradis" français et européen pour tous les gens qui fuient les régimes dictatoriaux kafkaïens de cette région d'Afrique australe, à commencer par les habitants des autres îles des Comores, devenues "indépendantes" et surtout miséreuses. A Mayotte se joue un drame au moins équivalent à celui qui se déroule sous nos yeux à Calais ou dans la Méditerranée des réfugiés naufragés, mais qui s'en soucie ?

L'auteur dépeint sans complaisance l'extrême violence engendrée par l'extrême misère, surtout dans ces vitrines de l'abondance et du gaspillage situées au contact direct avec la pauvreté confinant au pire dénuement. En tant qu'autochtone, elle aborde en toute connaissance de cause la personnalité et le destin de ce jeune noir – Moïse – recueilli et élevé par une infirmière blanche elle aussi pleine de bonnes intentions.
L'un des chapitres les mieux rendus est sans doute celui qui fait parler "Stéphane" (pp. 109-121), archétype du bon jeune-homme tout juste sorti du cocon familial européen bien douillet, venant là accomplir sa B.A. de boy-scout, comme il y en a tant et tant dans ces ONG qui pullulent dans le Tiers-Monde : l'auteur rend parfaitement l'état d'ignorance abyssale dans laquelle se trouve l'écrasante majorité des populations des pays crevant de richesses.

Un livre à lire, un bon témoignage qui est surtout un très bon roman.
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C'est sous la forme d'un roman choral que Nathacha Appanah a choisi de nous conter ce drame contemporain, celui de la misère sociale et de la violence des ghettos modernes.

Dans notre imaginaire métropolitain, Mayotte, c'est le soleil, les plages, cocotiers, la flore abondante et verdoyante, les fleurs exubérantes de couleurs d'un paradis. C'est pourtant là que débarquent de nombreux clandestins qui ont risqué la mort sur un radeau de foruune, pour une vie meilleure dans l'eldorado français. Et c'est pourtant là que se situe un bidonville surnommé Gaza et dans lequel règne la loi des gangs.

Moïse n'y est pas né à Gaza. Il n'est pas né à Mayotte non plus. Il est arrivé sur un kwassa encore bébé, avec son oeil noir et son oeil vert. Maudit par le djinn Moïse ? Il fait pourtant le bonheur de Marie qui revait d'un enfant, à qui la mère biologique abandonne cet enfant. Noir, il sera élevé par une blanche.

Mais la vie réserve des surprises et Moïse va se retrouver seul, livré à la loi et à la violence de Gaza et de son chef, Bruce.

Un roman très noir et d'une grande violence. Les personnages de Bruce et de Moïse sont particulièrement bien rendus, avec leur relief, leurs paradoxes, leur part d'ombre et de lumière. Ce ne sont pourtant que des enfants auxquels on aurait souhaité encore quelques années d'insouciance et d'innocence.

Mayotte comme on ne se l'imagine pas. Et pourtant, c'est la France...
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La violence et la cruauté sont légion dans le bidonville de Kaweni à Mayotte. Entre règlements de comptes, vols à l'arraché, cambriolages, kidnappings, rançonnages et viols, l'enfer quotidien côtoie la misère dans certains quartiers, livrés à la vindicte de petits caïds sans foi ni loi. Les cinq protagonistes du roman ont des personnalités bien différentes mais leurs routes se rencontreront à un moment donné, liant intimement leurs existences. L'environnement délétère dans lequel ils évolueront scellera définitivement leur destin.

Nathacha Appanah emploie un vocabulaire très fort pour dépeindre l'insécurité permanente qui règne sur l'île ; elle appuie là où ça fait mal, elle enfonce sa plume dans les points névralgiques du récit pour en faire ressentir la douleur. Il y a du vécu dans ce récit qu'elle a volontairement teinté d'un implacable réalisme pouvant parfois heurter les consciences. Par ailleurs, elle n'oublie pas de rappeler les problèmes récurrents dont souffre Mayotte : l'afflux massif et quotidien de réfugiés, notamment Malgaches et Comoriens, désireux d'obtenir la nationalité française, le dénuement d'une population vivant, en majorité, sous le seuil de pauvreté. Bouleversant et très dur, ce roman nous fait toucher du doigt la détresse humaine et les dramatiques conséquences qui en résultent.
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J'ai découvert avec ce titre Nathacha Appanah, écrivaine mauricienne francophone. J'y ai aussi découvert l'île de Mayotte, au coeur de son intrigue. Une île administrativement française, mais dont le cadre et les conditions de vie donneront au lecteur métropolitain la sensation d'embarquer pour un autre monde…
Roman choral dont l'alternance des voix dynamise le récit, il débute par une parole venue d'outre-tombe, celle de Marie, infirmière qui a échoué sur l'île par amour pour son mari Cham, collègue Mahorais rencontré à l'hôpital. Mais bientôt le couple se sépare, plombé par l'aigreur que fait naître chez Marie son incapacité à tomber enceinte, dont l'amertume est exhaussée par le spectacle incessant des migrantes comoriennes venues accoucher sur Mayotte pour obtenir des papiers. Et puis une occasion se présente, en la personne justement d'une jeune clandestine qui souhaite se débarrasser de son nouveau-né dont les yeux vairons attestent du caractère démoniaque. Marie recueille l'enfant, le prénomme Moïse, et l'élève comme son fils. Adolescent, pris de velléités brouillonnes de quête identitaire, il reprochera à sa mère de l'avoir élevé comme un blanc. Et puis un matin, Marie décède brutalement, à l'âge de quarante-sept ans.

Moïse en a alors quinze. Livré à lui-même, il intègre une bande de jeunes délinquants en pleine perdition. Il vient d'en tuer le chef, Bruce (comme Bruce Wayne, l'alias de Batman), dont la mort pourrait bien être l'étincelle qui va mettre le feu à l'île déjà au bord de l'explosion. C'est de la prison où il est incarcéré après s'être livré à la police que Moïse fait entendre sa propre voix, revenant sur le parcours qui l'a mené à cet acte terrible. Sa victime s'exprime ensuite, à l'instar de Marie depuis l'au-delà, déversant sa haine et sa rage, défunt roi d'un territoire de non-droit, à la fois ghetto dépotoir et immense camp de clandestins à ciel ouvert où des bandes de mineurs isolés shootés au "chimique" font la loi.

Les récits d'Olivier, policier humaniste passant ses nuits au poste en laissant s'étioler l'espoir d'une prise de conscience des autorités et de Stéphane, travailleur social pour une ONG qui réalise rapidement que toute sa bonne volonté revient à écoper l'océan avec un dé à coudre, parachèvent la polyphonie, et complètent le sombre tableau.

Cet environnement paradisiaque, qui abrite paraît-il le plus beau lagon du monde, voit chaque jour accoster les kwassa kwassa, ces fragiles embarcations dont les passagers -du moins ceux qui ont survécu- viennent grossir les hordes de miséreux qui peuplent l'île pour moitié. Des enfants meurent sur ses plages dans une scandaleuse indifférence. le personnel de l'hôpital diagnostique des pathologies qui n'existent plus en métropole que dans les livres de médecine, reçoivent des mères continuant de tenir dans leurs bras des bébés morts depuis plusieurs jours. Les blancs venus de métropole, souvent des fonctionnaires, profitent pendant un à trois ans du cadre idyllique et des jeunes femmes noires, puis repartent avec leurs primes et de grandes théories aussi vaines que les promesses énoncées par les politiques le temps des élections.

Nathacha Appanah parvient à doter, par ses variations de ton, de rythme, de vocabulaire, chacun de ses personnages d'une voix qui lui est propre, et à l'unisson de son état d'esprit, mélancolique, désespéré, ou enragé.

Bien que le trait, dans cette volonté de caractériser ses héros, soit parfois un peu forcé, il émane de l'ensemble une intensité qui happe. Mais surtout, le voyage sur ce minuscule bout de France perdu dans l'océan indien laisse un goût bien amer.
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C'est abrupt, cru, violent, ça nous retourne comme rarement, abordant le sujet des mineurs isolés des bidonvilles de Mayotte, le plus jeune et le plus pauvre des départements français. Dans « Tropique de la violence », on suit Moïse, un jeune collégien de l'île. Venu des Comores, il a débarqué, tout bébé, avec ses parents, à bord d'un « kwassa-kwassa », ces petits bateaux de pêche à moteur conduits par un passeur, pour chercher une vie meilleure. Comme des milliers de gens, chaque année.
Pour passer le temps, et rêver d'ailleurs, ils sniffent de la « chimique », une drogue artisanale qui fait des ravages. En fait, on assiste, impuissant, à ces parcours de vies fragiles et abîmées, qui chavirent. À travers les yeux de Moïse, souvent silencieux, c'est le sort d'une jeunesse perdue qui saute aux yeux. Un sentiment de gâchis immense.
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Moïse, ce grand fil de fer"avec des manières de blanc" Marie, cette femme qui voulait un enfant, et en reçu un aux yeux vairons "possédé par le djinn". Bruce, dont le père assurait que le djinn veillait sur lui et que tout le bien qu'il ferait, le djinn le lui rendrait au centuple, tout le mal qu'il ferait aussi. Appanah a une plume incisive, ce roman m'a découpée en petits morceaux. Comment ne pas fondre face à Moïse qui, après la mort de sa mère, lit toujours le même livre ? Comment ne pas trembler aux vibrations des percussions lors des murengues ? Comment ne pas avoir envie de humer les fleurs de frangipanier, d'admirer le bleu de la mer, de sentir le soleil lourd sur sa peau ? Ce roman est résolument sensoriel, avec une puissance évocatrice rare. À cela s'ajoute une polyphonie très juste, qui permet de voir les émotions et vécus subjectifs d'un jeune blanc en service civique pour quelques mois, d'un jeune noir ayant grandi à Mayotte de parents mahorais, d'un jeune noir ayant grandi à Mayotte avec une maman blanche, d'une blanche qui a découvert Mayotte en tant que jeune adulte, et a adopté un bébé noir. Chaque personnage parle, et parle bien. Mayotte est ainsi décrit à plusieurs voix, dans une peinture intéressante. Moïse, tout le long du récit, marque au coeur. Appanah est une auteure que je ne lâcherai pas.
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Un roman qui donne envie de vomir d'injustice et de dégoût face à l'hypocrisie du gouvernement.
L'auteure dépeint Mayotte sous un jour bien moins radieux que celui des cartes postales.
Une descente aux enfers insupportable pour les personnages et pour nous, lecteur.ices ne pouvant rien faire hormis assister à l'intensification du chaos.
C'est glaçant et saisissant.
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