C'est le premier roman de
Natacha Appanah que j'ouvre, grâce à Babelio que je remercie vivement ainsi que les éditions Gallimard et c'est un uppercut qui m'a envoyé au tapis. J'avoue que je ne connaissais rien de Mayotte, la vie des habitants, les gangs d'adolescents qui font la loi, avalant ou fumant tout ce qui leur passe entre les mains, les guerres de territoires, la violence omniprésente, les flics et les ONG dépassés. «Cette île, Bruce, nous a transformés en chiens ».
Il y a d'un côté les privilégiés et de l'autre une zone de non-droit, que les gens ont surnommée Gaza, c'est tout dire, où il est plus facile de trouver de la drogue ou de l'alcool ou de quoi manger, zone où règne en maître un chef autoproclamé, Bruce comme Bruce Wayne, l'homme chauve-souris, super-héros qui en fait ne sait que dominer les autres…
On sait très vite que Mo, comme l'appelle Bruce, a commis l'irréparable et que cela va avoir des conséquences mais, l'auteur entretient le mystère, décortique le pourquoi et le comment, et on a envie de savoir, de comprendre. Mo et le livre de Bosco qui le suit partout, qu'il connaît par coeur mais relit encore et encore car c'est un lien avec Marie et l'enfance.
C'est un roman à plusieurs voix, qui se répondent, s'apostrophent, essayant de se justifier, et l'auteure a l'idée de génie de laisser aussi la parole aux morts, aux esprits. Tout débute en douceur avec l'histoire de Marie, sa vie, son couple, sa stérilité, avec un rythme soutenu mais la violence arrive crescendo, ça monte tout doucement, les mots deviennent plus durs, le rythme s'emballe et cette petite histoire nous entraîne, nous happe, nous bouffe littéralement.
J'ai lu très rapidement les quarante ou cinquante premières pages, sans lever le nez du livre, mais ensuite, j'ai lu à petites doses, jusqu'au bout car c'est probablement la vie quotidienne à Mayotte, cette violence mais j'ai failli ne pas survivre à la lecture d'un chapitre car on est arrivé au summum de l'horreur.
L'écriture est belle,
Natacha Appanah sait trouver les mots qui percutent, qui fracassent, telle une mitraillette, le débit s'accélère et nous emporte. Pris par le récit, autant que par le débit, on s'enfonce dans ce paysage qui pue la mort et qui était probablement autrefois un paradis.
Un très bon livre, mais qui fait beaucoup de dégâts chez le lecteur en tout cas chez moi. J'ai eu du mal à m'en remettre. Je lisais d'autres livres en même temps pour ne pas me laisser envahir, ne pas vomir. Très bon livre, mais personnes sensibles s'abstenir.
Ce livre, le premier de la rentrée littéraire que je lis, est un coup de coeur et un coup de massue. Et encore merci à Babelio et Gallimard pour cette lecture choc.
Note : 9/10
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