Cette nouvelle a été publiée en 1891 après sa mort.
Pavlik, le héros, non c'est plutôt un anti-héros, c'est un marginal mollasson, qui sentant sa mort approcher tient un journal et nous conte son tourment, celui d'un homme vieillissant et malade. Apoukhtine dans une écriture fluide nous dresse, un portrait d'une criante vérité et il le fait avec beaucoup d' humour et sans concession.
Amitié, amour sont au menu, cet homme apparemment sans discernement se met dans des situations plutôt incongrues et déplacées.
Une heure de lecture plaisante et drôle
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- Dites-moi, Fiodor Fiodorovitch, ne suis-je point semblable à ce page ? Entre nous, voyez-vous tant de différence ?
- Il y en a, malgré tout. Pour commencer, le page n'a pas de rides.
- Ce docteur me rendra fou. Des rides ! Un mot que je connais, bien sûr, pour l'avoir maintes fois employé dans la conversation, sans mesurer jusqu'ici ce qu'il recouvrait exactement.
- Où voyez-vous que j'aie des rides ? m'écriais-je, au désespoir.
Le docteur me l'indiqua.
- Cela des rides ? Allons donc ! La peau est juste un peu plissée... C'est un hasard...
- Admettons. mais lorsque vous étiez page, vous n'aviez pas ces "hasards". A présent, si.
- Ce sont les fruits de mes méditations, les fruits de mes longues réflexions...
- De longues réflexions et, surtout de longues années.
Voyons, ne vous alarmez pas. Calmez-vous et laissez-moi ausculter ce coeur juvénile.
Les Français regroupent les vraies amitiés et les relations mondaines sous ce terme générique : les amis ; mais pour les Russes, la différence est de taille. les simples "connais-sances" sont des gens qui se croient obligés de fouiller dans votre âme et votre vie, qui clament chaque fois leur joie de vous voir et ne sont guère affectés par vos échecs ou vos malheurs. J'ai noté que ce type de relations se fondait plus sur une communauté de vices que sur une communauté de vertus. Les vertus communes, ou les talents, suscitent la concurrence, donc l'envie. L'homme conscient de ses vices touvera agréable de les constater chez d'autres et jugera ces gens très bien, afin de se justifier.
Si chacun éprouvait une fois dans sa vie, ce que j'ai subi, s'il se sentait vraiment un pied dans la tombe, il n'y aurait plus d'animosité entre les hommes. La vie humaine est tellement prisonnière du cadre étroit de l'ignorance et de l'impuissance, elle est si fortuite, si fragile et si brève, que l'individu a besoin, pour se distraire, de l'empoisonner par d'absurdes querelles... Quelle invraisemblable sottise que la guerre !
Un vieux sage a dit que l'homme était lui-meme son plus grand ennemi.
Le chagrin est tenace et long,
Mais la joie est volage et brève.