Avant la nuit

Dès l’une de mes premières déclarations à mon départ de Cuba, j’avais dit : « La différence entre le système communiste et le système capitaliste ? Tous les deux nous donnent des coups de pied au cul, mais dans le système communiste tu dois applaudir, tandis que dans le capitaliste tu peux gueuler ; je suis venu ici pour gueuler. »

(Les écrivains cubains)
Dans l'Ile, nous étions condamnés au silence, à l'ostracisme, à la censure et à la prison ; en exil, au mépris et à l'oubli, de la part des exilés eux mêmes.

Le militantisme homosexuel a donné d'autres droits, remarquables, aux homosexuels du monde libre, mais il a en même temps atrophié l'enchantement merveilleux de trouver une personne hétéro ou bisexuelle, à savoir un homme désireux d'en posséder un autre sans avoir à être possédé à son tour.
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Maintenant, je vois l'histoire politique de mon pays comme le fleuve de mon enfance qui charriait tout sur son passage dans un fracas assourdissant ; ce fleuve aux eaux troubles nous a tous anéantis lentement, les uns après les autres.

De sorte que la femme, de même que l'homosexuel, était considérée sous le régime castriste comme un être inférieur. Les machos, eux, pouvaient avoir plusieurs femmes, on trouvait que c'était un signe de virilité. C'est pourquoi femmes et homosexuels s'unirent, une façon de se prémunir, en somme.

Ce fut le début de la paramétrisation, c'est-à-dire que tout écrivain, tout artiste, tout dramaturge homosexuel, recevrait un télégramme l'informant qu'il ne réunissait pas les paramètres politiques et moraux pour occuper son poste; par conséquent on le privait d'emploi, ou bien on lui en offrait un autre dans un camp de travaux forcés.

Notre histoire est faites de trahisons, de soulèvements, de désertions, de complots, d'émeutes, de coups d'Etat; le tout dominé par l'ambition démesurée, par l'injustice, par le désespoir, par l'arrogance et par l'envie. Même Christophe Colomb, à son troisième voyage, après avoir découvert toute l'Amérique, revient en Espagne enchaîné. Deux attitudes, deux personnalités semblent toujours lutter dans notre histoire: celle des rebelles permanents amoureux de la liberté, donc de la création et de l'innovation; et celle des opportunistes, des démagogues, toujours amoureux du pouvoir, donc partisans du dogme, du crime et des ambitions les plus mesquines.

La meilleure façon d'obtenir son visa de sortie [de Cuba pendant l'affaire de l'exode de Mariel] était (...) de prouver par un document quelconque qu'on était homosexuel. Je n'avais rien de ce genre pour le prouver, mais j'avais ma carte d'identité spécifiant que j'avais été en prison pour scandale sur la voie publique ; c'était déjà une bonne preuve, et je suis allé à la police.
Dès mon arrivée, ils me demandèrent si j'étais homosexuel et je leur ai dit que oui ; ils me demandèrent si j'étais actif ou passif et je pris la précaution de déclarer que j'étais passif. Ils avaient refusé le visa de sortie à l'un de mes amis qui s'était dit actif ; c'était la pure vérité, mais aux yeux du gouvernement cubain, les actifs n'étaient pas vraiment homosexuels. Ils me firent marcher devant eux pour s'assurer que j'étais bien une folle ; il y avait là des femmes qui étaient psychologues. Je réussis le test et le lieutenant cria à un autre militaire : « Celui-là, tu me l'expédies dare-dare. »

La différence entre le système communiste et le système capitaliste ? Tous les deux nous donnent des coups de pied au cul, mais dans le système communiste tu dois applaudir, tandis que dans le capitaliste tu peux gueuler ; je suis venu ici pour gueuler