Citations sur La liberté d'être libre (29)
C'est précisément parce que le tyran n'a pas le désir d'exceller et est dépourvu de toute passion pour la distinction qu'il trouve si plaisant de dominer, s'excluant ainsi de la compagnie des autres ; à l'inverse, c'est le désir d'exceller qui donne aux hommes le goût de leurs pairs et les pousse dans la sphère ppublique.
La Révolution française se termina en désastre et devint un tournant de l'histoire du monde; la Révolution américaine fut un triomphe et demeura une affaire locale, en partie parce que les conditions sociales dans le reste du monde étaient bien plus proches de celles de la France […]. Il n'est donc pas surprenant que le despotisme, ou en réalité le retour à l'ère de l'absolutisme éclairé, qui s'annonçait clairement dans le cours de la Révolution française, soit devenu la règle des révolutions suivantes […].
Cela a enseigné aux hommes une leçon qui, dans l'espoir comme dans la peur, n'a jamais été oubliée. Cette leçon, aussi simple qu'elle était nouvelle et inattendue, c'est que, pour reprendre les mots de Saint-Just, « si vous voulez une République, vous devez vous occuper de tirer le peuple d'un état d'incertitude et de misère qui le corrompt. [...] On n'a point de vertus politiques sans orgueil; on n'a point d'orgueil dans la détresse ».
La différence, donc, fut que la Révolution américaine – à cause de l'institution de l'esclavage et de la croyance que les esclaves appartenaient à une « race » différente – put ignorer l'existence des misérables, et du même coup s'épargner la tâche formidable de libérer ceux qui n'étaient pas tant contraints par l'oppression politique que par les simples nécessités de la vie. Les malheureux*, qui jouèrent un rôle si fondamental dans la Révolution française, laquelle les identifia au peuple*, soit n'existaient pas, soit restèrent dans une obscurité complète en Amérique.
De façon générale, aucune révolution n'est même possible là où l'autorité du corps politique est intacte, ce qui dans le monde moderne signifie là où l'on peut être assuré que les forces armées obéissent aux autorités civiles. Les. révolutions ne sont pas des réponses nécessaires, mais des réponses possibles à la déposition d'un monarque, elles ne sont pas la cause mais bien la conséquence de la chute de l'autorité politique.
Il est difficile de dire où finit le désir de libération, celui d'être délivré de l'oppression, et où commence le désir de liberté, celui de vivre une vie politique. La question est que la libération de l'oppression aurait fort bien pu se réaliser sous un gouvernement monarchique mais non tyrannique, alors que la liberté d'un mode de vie politique exigeait une forme nouvelle, ou plutôt une forme redé-couverte, de gouvernement: elle exigeait la constitution d'une république.
Il est difficile de dire où finit le désir de libération, celui d'être délivré de l'oppression, et où commence le désir de liberté, celui de vivre une vie politique.
Les révolutions semblent toujours réussir avec une facilité déconcertante à leur stade initial : la raison en est que ceux qui sont censés "faire" les révolutions ne "s'emparent" pas du pouvoir, mais plutôt le ramassent quand il traîne dans la rue.
L'effondrement de l'autorité et du pouvoir, qui en général survient avec une soudaineté surprenante non seulement pour des lecteurs de journaux, mais pour les services secrets et les experts qui en sont témoin, ne devient une révolution au plein sens du terme que lorsqu'il existe des gens désireux et capables de recueillir le pouvoir et, pour ainsi dire, de pénétrer au cœur de la vacance du pouvoir.
Seuls ceux qui sont délivrés de la nécessité peuvent pleinement apprécier ce que c'est qu'être libre de toute peur, et seuls ceux qui sont libérés du besoin et de la peur sont capables de concevoir une passion pour la liberté publique et de développer le goût particulier pour l'égalité que cette liberté porte en elle.