AUTOMNE I
UN JEUNE POÈTE
PENSE À SA BIEN-AIMÉE QUI HABITE DE L’AUTRE CÔTÉ DU FLEUVE
À Alphonse Daudet
LA lune, dans la nuit sereine,
Monte au cœur du clair firmament ;
Elle y monte, et, comme une reine,
S’y repose amoureusement.
Sur l’eau voluptueuse et lasse
Qu’un rêve bleu semble bercer,
Une brise légère passe,
Repasse, ainsi qu’un long baiser.
Quel accord pur, quelle harmonie,
Quel espoir calme en l’avenir,
Respire l’union bénie
Des choses faites pour s’unir !
Mais rien n’est complet dans nos fêtes,
Le bonheur est rare ici-bas ;
Et la plupart des choses faites
Pour s’unir — ne s’unissent pas.
p.65-66
III LE PALAIS DE TCHAO-YANG
À Philippe Burty.
PRINTEMPS II
La brise émeut les rameaux bruns,
L’aube déjà blanchit le store ;
Tout devient rose, c’est l’aurore !
Le palais s’emplit de parfums.
L’air du ciel mêle le ramage
Des fontaines et des oiseaux ;
Les fleurs de la terre et des eaux
Offrent au printemps leur hommage.
De son beau pavillon d’azur,
Dans le matin baigné de flammes,
L'Empereur voit toutes ses femmes
Qui dansent sur un rythme pur.
On ne pense, en ce mois de joie
Où fleurit la fleur de prunier,
Qu’à goûter l'Amour printanier
Sous les rideaux d’or et de soie.
Ô feuilles des saules tremblants,
Vous êtes de l’or fin ! Vous êtes
Une neige chère aux poètes,
O fleurs dont les poiriers sont blancs !
p.8-9
A Emile Blémont. Paul Verlaine.