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Critique de Matatoune


Après avoir écrit Proust contre Cocteau, publié en 2013, Claude Arnaud a eu envie de raconter l'amitié particulière entre Picasso et Cocteau qui a duré de 1915 à 1963.

Comme à son habitude, Picasso incarne, dans cette relation, le rôle du sadique, du bourreau avec un Cocteau masochiste non dissimulé, et peut-être légèrement assumé.

Chacun a envié les créations de l'autre n'hésitant pas à les piquer pour se les approprier. Cocteau, le fragile, aime les brutaux, les puissants. À la mort de Raymond Radiguet, son amant intermittent, son surnom devient le veuf sur le toit. Ses tentatives pour protéger l'écrivain contre ses addictions n'ont pas suffi.

De douze ans le cadet de Picasso, Cocteau rencontre le “Maître” pour le ballet “Parade” de 1917 auquel Satie et Stravinski ont travaillé. Au fil des pages, Claude Arnaud fait découvrir aussi une galerie de personnages dont un Albert Breton, non seulement antipathique mais aussi homophobe.

On croyait que Picasso n'était pervers qu'envers les femmes. Toutes ses amantes en ont fait les frais et seule Françoise Gillot l'a dénoncé. Avec Claude Arnaud, le lecteur découvre ses relations diaboliques avec des hommes. Car, Cocteau a subi toute sa vie l'amour haine cruelle du Malaguène.

Depuis l'attitude de son père devant son talent (pour rappel, il a arrêté de peindre lorsqu'il a compris le talent de son fils), Picasso sait que le Monde s'effacera, tôt ou tard, devant son talent ! Alors, il ne cessera toute sa vie d'en tirer profit pour vampiriser ses compagnons et ses maîtresses au nom de son oeuvre.

Selon Claude Arnaud, Picasso a, semble-t-il, besoin d'un poète douloureux à ses côtés pour vanter son talent. Il ne faut pas oublier que lui-même a écrit des poèmes ! La période Max Jacob s'arrête par l'abandon de son ami lors de la seconde guerre mondiale et sa mort au camp de concentration.

La période d'Apollinaire ne s'arrête pas, même lorsqu'il est accusé à tort du vol des statuettes du Louvre dont une qu'il a donnée à l'espagnol. Cocteau passe sa vie à demander à Picasso de l'accueillir au long cours dans sa tribu. Ce dernier n'aura de cesse de jouer de façon persécutrice de son envie. Seul Paul Eluard semble avoir eu plus de chance. Peut-être que Picasso l'admirait vraiment !

Comme un roi soleil, Picasso impose son cérémonial concernant les visites, au fil du temps. de cette amitié qui débuta lors du voyage à Rome, Cocteau se verra, de nombreuses fois, refuser l'entrée de l'antre du peintre. Alors, le poète ne cessera de se lamenter auprès des différentes femmes, amantes, enfants avec qui, il trouvera secours face à l'incompréhension de cet arbitraire. Ce n'est que lorsque Cocteau, 66 ans, et Picasso, 74 ans, se retrouveront à La Californie que leur amitié sera apaisée.

À sa mort, à 91 ans (nous fêtons ces jours-ci son centenaire), Picasso laissera une cinquantaine de milliers d'oeuvres. Encensé par tous les historiens de l'Art, Picasso, l'homme, ne finit pas de nous étonner.

L'essai de Claude Arnaud en révèle encore une facette. L'ami n'était pas plus aimable que l'amant. L'ogre, le matador ou le taureau se révélait dès que l'affection apparaissait ! Cocteau en a fait les frais pendant à peine moins que cinquante ans.

Cocteau est un génie fragile qui doute de son talent, de sa création, pourtant énorme, qui a besoin de l'autre pour croire en son talent. Même s'il est reconnu dans les salons, dans son milieu, adulé par le milieu intellectuel, Cocteau hésite et tâtonne.

Picasso tout contre Cocteau se découvre aussi aisément qu'un roman. Facile à lire, cette biographie très agréable de Claude Arnaud détaille chronologiquement cette relation bancale. Passionnant et édifiant !

Lien : https://vagabondageautourdes..
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