Citations sur Avril enchanté (68)
Il avait loué une deux pièces près du British Museum - scène de ses exploits - où il se rendait chaque matin et dont il ne revenait que bien après que sa femme se fût couchée. Parfois il ne revenait pas du tout. Parfois il lui arrivait de ne pas se montrer de plusieurs jours avant de réapparaître au petit-déjeuner, étant rentré sans bruit la nuit précédente grâce à son passe, toujours d'excellente humeur, jovial, heureux de vivre et de se faire servir quelque chose à manger "si c'était un effet de ta bonté", la bonté de sa femme s'entend. Bref, un homme en règle avec le monde et avec lui-même. Quant à elle, elle se montrait parfaitement aimable avec lui, veillant attentivement à ce que son café lui fût servi à la bonne température.
Sa bonne humeur dura jusqu'à l'heure du coucher, et il n'hésita pas à pincer l'oreille de sa femme en lui souhaitant bonne nuit. Elle n'en revenait pas. Que signifiait cette subite tendresse ? [...] Au cours de cette deuxième semaine au château, il lui arriva en effet de lui pincer non pas une oreille mais deux avant d'aller dormir. Très peu préparée à de pareils débordements, Lotty se demandait ce qu'il lui réservait pour la troisième semaine, lorsqu'il ne lui resterait plus de nouvelles oreilles à pincer.
Elles traversèrent un petit pont, apparemment jeté au-dessus d'un ravin, et se retrouvèrent au milieu de hautes herbes mouillées qui trempaient leurs bas. L'odeur des fleurs était partout. Le sentier continuait en zigzaguant entre des bouquets d'arbres. La pluie tiède exaltait tous les parfums de la nuit, et la lueur rouge sur la jetée paraissait de plus en plus lointaine.
Un sommeil conjugal réussi lui paraissait exiger des qualités de patience et d'abnégation extrême. Il y fallait aussi une parfaite placidité, et la foi du charbonnier.
- Mais vivre avec quelqu'un qui ne vous aime pas , c'est comme se trouver toute nue dans le vent d'hiver et mourir de froid petit à petit."
Il était de certaines choses dont mieux valait ne pas parler, et les maris en faisaient évidemment partie. Seules leurs épouses étaient censées savoir où ils dormaient. Bien sûr, elles ne le savaient pas toujours, et les mariages connaissaient alors des moments délicats.
A la fin de la semaine les figuiers donnaient déjà de l'ombre, le prunier fleurissait parmi les oliviers, les modestes chèvrefeuilles de Chine avaient revêtu leurs beaux habits roses, et les rochers se couvraient de fleurs étoilées, aux feuilles épaisses, certaines violettes, d'autres jaune pâle.
Toute la splendeur d’un avril italien semblait rassemblée à ses pieds … Elle n’en croyait pas ses yeux. Tant de beauté pour elle seule ! Le visage baigné de lumière, elle sentait mille parfums monter vers elle tandis qu’une légère brise lui ébouriffait les cheveux.
Que de beauté, que de beauté ! Quel bonheur d’avoir assez vécu pour voir, sentir, respirer ce paysage de songe… Oui, elle était heureuse, mais que ce mot paraissait soudain pauvre, ordinaire, insuffisant ! Comment décrire la salve de sensations qui l’envahissaient ? Il lui semblait être devenue trop petite pour contenir une pareille joie. Quelle surprise de se trouver en pleine béatitude alors qu’elle ne faisait rien que de parfaitement égoïste !
Les compliments étaient quelque chose de merveilleux qui vous réchauffait le cœur et vous poussait à tout faire pour vous en montrer digne, révélant des qualités enfouies au plus profond de vous.
Etre au lit, et seule, la délicieuse situation ! Depuis cinq longues années elle n'avait plus dormi sans Mellersh. Quel plaisir tout neuf simplement de sentir la fraîcheur des draps, de s'y étirer tout à son aise, de tirer sans crainte les couvertures, ou de s'arranger les oreillers à son idée !