Avril enchanté

Toute la splendeur d’un avril italien semblait rassemblée à ses pieds. La mer bougeait à peine sous le soleil éclatant.

Or Mrs Fischer ne détestait rien tant que de voir des hommes intelligents, engagés dans de graves discussions d'intérêt général, se mettre soudain à faire des grâces, à minauder - oui, minauder, elle n'avait eu que trop souvent l'occasion d'assister a ce désolant spectacle -, dès qu'une beauté à cervelle d'oiseau faisait son entrée dans un salon où il ne lui restait plus, à elle Mrs Fischer, qu'à faire tapisserie.

A trente-neuf ans il était encore jeune, et sa clientèle ne comprenait pas assez de ces chères vieilles dames dont tout avocat rêve d'avoir la pratique pour qu'il se permit de ne pas fréquenter l'église.

Et puis on ne savait jamais ce que cette folle allait dire et il était plus sûr de ne pas avoir à la regarder en face. Que voulait-elle signifier avec ces absurdes propos sur les hommes, par exemple? On se perdait en conjectures, et mieux valait sans doute s'y perdre.

La suavité des parfums qui flottaient dans l'air de San Salvatore, chacun provenant d'une partie différente du château mais se fondant à la perfection dans une harmonie supérieure, aurait dû susciter, à son imitation, l'accord de toutes les âmes.
Du moins Mrs Wilkins l'avait-elle pensé lorsque, en compagnie de Mrs Arbuthnot, elle était rentrée d'une promenade sur les remparts et qu'il lui avait semblé sentir les fleurs, celles du jardin comme celles du salon, se saluer d'un baiser quasi religieux.
Qui donc aurait osé commettre le péché de colère au milieu de cet univers tout de bienveillance ? Qui aurait bien pu se montrer dur ou égoïste, suivant les rudes mœurs de Londres, en présence de tant de beauté ?

De toute façon je suis persuadée que c’est péché de se rendre malheureuse à force de vertu. Vous avez l’air si triste que vous avez dû être bien vertueuse durant toutes ces années.

Elle lui faisait penser à sa mère, à sa gouvernante, à toutes sortes de créatures faites pour la douceur et la tendresse, tout en présentant l'inestimable avantage de n'être ni sa mère ni sa gouvernante.

La fermeté de Mrs Wilkins réussit malgré tout à lui faire passer la porte, et une fois de plus Rose s'émerveilla de la transformation qui s'était opérée en Lotty. Comment reconnaître la demi-hystérique qu'elle avait rencontrée à Londres dans cette femme aux façons aimables ? Depuis qu'elles se trouvaient en Italie c'était Lotty qui paraissait l'aînée. Elle semblait extrêmement heureuse. En fait, elle semblait même au septième ciel.

p.169-170

A tous ceux qui aiment les glycines et le soleil. Italie. Mois d'avril. Particulier loue petit château médiéval meublé bord Méditerranée. Domesticité fournie. Répondre au Times sous la référence Z 1000.

Quelle erreur de croire qu'une femme vraiment élégante faisait parade de ses beaux habits, c'étaient eux qui la promenaient et l'exhibaient à toute heure du jour et de la nuit !