"Sans un élément de cruauté à la base de tout spectacle, le théâtre n'est pas possible.
Dans l'état de dégénérescence où nous sommes, c'est par la peau qu'on fera rentrer la
métaphysique dans les esprits" (IV, 95; je souligne).
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Le théâtre, comme la parole, a besoin qu’on le laisse libre
En un mot le théâtre doit devenir une sorte de démonstration expérimentale de l’identité profonde du concret et de l’abstrait.
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LETTRES SUR LE LANGAGE
PREMIÈRE LETTRE
Paris, 15 septembre 1931.
À M. B. C.
Il n’est pas absolument prouvé que le langage des mots soit le meilleur possible. Et il semble que sur la scène qui est avant tout un espace à remplir et un endroit où il se passe quelque chose, le langage des mots doive céder la place au langage par signes dont l’aspect objectif est ce qui nous frappe immédiatement le mieux.
"[...] la seule loi c'est l'énergie poétique qui va du silence étranglé à la peinture
précipitée d'un spasme, et de la parole individuelle mezza voce à l'orage pesant et ample
d'un chœur lentement rassemblé.
Mais l'important est de créer des étages, des perspectives de l'un à l'autre langage.
Le secret du théâtre dans l'espace c'est la dissonance, le décalage des timbres, et le
désenchaînement dialectique de l'expression" (IV, 109).
"Protestation contre l'idée séparée que l'on se fait de la culture, comme s'il y avait la
culture d'un côté et la vie de l'autre; et comme si la vraie culture n'était pas un moyen de
comprendre et d'exercer la vie" (IV, 11).
Il faut pour refaire la chaîne, la chaîne d’un temps où le spectateur dans le spectacle cherchait sa propre réalité, permettre à ce spectateur de s’identifier avec le spectacle, souffle par souffle et temps par temps.
Ce spectateur ce n’est pas assez que la magie du spectacle l’enchaîne, elle ne l’enchaînera pas si on ne sait pas où le prendre. C’est assez d’une magie hasardeuse, d’une poésie qui n’a pas la science pour l’étayer.
Au théâtre poésie et science doivent désormais s’identifier.
Toute émotion a des bases organiques. C’est en cultivant son émotion dans son corps que l’acteur en recharge la densité voltaïque.
Savoir par avance les points du corps qu’il faut toucher c’est jeter le spectateur dans des transes magiques. Et c’est de cette sorte précieuse de science que la poésie au théâtre s’est depuis longtemps déshabituée.
Connaître les localisations du corps, c’est donc refaire la chaîne magique.
Et je peux avec l’hiéroglyphe d’un souffle retrouver une idée du théâtre sacré.
Connaître le secret du temps des passions, de cette espèce de tempo musical qui en réglemente le battement harmonique, voilà un aspect du théâtre auquel notre théâtre psychologique moderne n’a certes pas songé depuis longtemps.
L’acteur est un athlète du cœur.
2/
Renonçant à l’homme psychologique, au caractère et aux sentiments bien tranchés c’est à l’homme total, et non à l’homme social, soumis aux lois et déformé par les religions et les préceptes, qu’il s’adressera.
Et dans l’homme il fera entrer non seulement le recto mais aussi le verso de l’esprit ; la réalité de l’imagination et des rêves y apparaîtra de plain-pied avec la vie.