nous ne sommes pas des voyageurs, mais des "déplacements professionnels", selon l'expression de certains agents des chemins de fer.
Ecrits et publiés dans Le Monde, où je suis reporter, les textes rassemblés dans ce livre ont en commun d'être nés dans cette zone d'opacité-là, entre les questions et les réponses qui ne coïncident pas.
A force de quais de gare et de pourquoi, les textes choisis pour ce livre ont un autre point commun : ils finissent par dessiner, en pointillé, un territoire, ou plutôt un pays. La France.
C'est vrai, parfois la politique agit comme un frein, pas comme un progrès. Elle avance moins vite que la société.
Les mines fournissaient tout, même travail, même toit, même identité. Et à la question "d'où viens-tu ?", il n'y avait qu'une seule réponse qui vaille : annoncer le numéro de la fosse où chacun s'enfonçait au petit jour, avec sa lampe et son casque.
La France. On croit connaître cet endroit qu'on appelle "chez soi". En réalité, c'est dans ce paysage familier que commence le mystère.
Quand les gens désignent les étrangers, ce n'est pas de nous qu'ils parlent, mais d'êtres imaginaires qu'ils aperçoivent à la télé et qui leur font peur. Les médias nous rendent paranos
Est-ce que la France va exploser ? On ne descendra peut-être pas dans la rue, on restera calme mais, à la fin ce sera quand même un genre de révolution qui renversera tous ceux qu'il y-a là-haut et qu'on ne sait plus comment nommer.
L'immeuble commence à trembler, des coups violents comme si quelqu' un le démolissait à la masse. Chaque jour, des hommes désossent les boiseries et leur propre abri par peu à peu en fumée dans l' âtre de ceux qui -par chance- ont squatté une pièce avec cheminée.
En 1975, quand il a été recruté, « le terme ouvrier à la chaîne était synonyme d’ « esclave moderne ». Aujourd’hui, on nous appelle « privilégiés » ». Il a fini par y croire. « Ce qui était une fatalité pour nous est devenu le rêve de nos enfants