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EAN : 9782879296777
276 pages
Editions de l'Olivier (04/02/2010)
  Existe en édition audio
3.77/5   1569 notes
Résumé :
"La crise. On ne parlait que de ça, mais sans savoir réellement qu'en dire, ni comment en prendre la mesure. Tout donnait l'impression d'un monde en train de s'écrouler. Et pourtant, autour de nous, les choses semblaient toujours à leur place. J'ai décidé de partir dans une vieille ville française où je n'ai aucune attache, pour chercher anonymement du travail. J'ai loué une chambre meublée.
Je ne suis revenue chez moi que deux fois, en coup de vent: j'avais ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (201) Voir plus Ajouter une critique
3,77

sur 1569 notes
Il est délicat d'émettre une note dissonante dans le flot de critiques laudatives que s'est attiré ce beau témoignage humaniste de la France d'en bas, qui souffre de la crise et de la précarité.
Je le concède volontiers : cette chronique de la misère sociale est émouvante. La démarche de cette grande journaliste est noble.
Pour autant j'avoue deux réticences
La première est littéraire. le livre a un problème de rythme. Constitué d'une multiplicité de petites saynètes, certes attachantes et bien troussées, il n'avance pas.
La deuxième est méthodologique. Pour écrire son livre, Florence Aubenas est entrée dans la peau d'une chômeuse de longue durée en quête de petits boulots. L'embedment est au journalisme ce que l'Actor's studio est aux acteurs de cinéma. Pour autant il a ses limites. Même en se grimant, même en bidonnant son CV, même en s'installant pendant des mois dans une cité HLM sans charme, même en nettoyant les WC conchiés du ferry d'Ouistreham, Florence Aubenas ne sera jamais de la France d'en bas. Elle en partagera peut-être les affres, l'espace de quelques semaines ; mais elle n'en éprouvera jamais l'intime désespérance, l'absence entêtante de perspective.
Sa démarche du coup ne peut pas ne pas être artificielle. Comme Fabrizio Gatti, ce journaliste italien qui avait partagé le sort de réfugiés africains en route vers l'Eldorado européen, Florence Aubenas touche vite les limites de l'exercice. Quand elle postule à un emploi de femme de fin de ménage, elle n'est pas, elle ne peut pas être une chômeuse en fin de droit cherchant à décrocher un petit boulot pour remplir son frigo. Elle ne peut qu'être une journaliste - certes courageuse - qui aligne les expériences pour enrichir son livre de plusieurs épisodes pittoresques.
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Tout le monde connaît Florence Aubenas, journaliste d'investigation, ex-otage en Irak, baroudeuse intervenant sur tous les points chauds de la planète : Rwanda, Kosovo, Algérie, Afghanistan, Irak, et dernièrement, Syrie. On l'imagine comme une sorte de Lara Croft au regard vif et aux nerfs d'acier, traquant le scoop au péril de sa vie, dans les endroits les plus improbables et le plus dangereux du globe. Ce livre relate une enquête de Florence Aubenas. Sa méthode : l'infiltration. Sa mission : devenir « invisible ». Son point de largage : Ouistreham. Ses armes : le balai télescopique, la serpillière de la mort, la cireuse-shampooineuse à trois vitesses. Florence – Lara Croft – Aubenas, ses pschitt-pschitt lave-vitres solidement fixés au ceinturon, est prête pour sa nouvelle aventure !
Le débarquement de notre héroïne a lieu non loin des plages de Normandie, à Cabourg, où nous affrontons d'emblée M. et Mme Museau, deux monstres du premier niveau. La menace est sérieuse, mais Florence-Lara s'en sort plutôt bien : « Je n'ai jamais eu l'intention de travailler chez M. et Mme Museau. Je ne veux pas entrer au service de particuliers… ». Un premier combat gagné par abandon face à l'ennemi. Pas très glorieux pour un début ! Mais rapidement, les niveaux suivants vont s'enchaîner : investir une agence d'intérim à Caen, et, il y a de quoi refroidir, partir à la conquête du Pôle (du Pôle Emploi, bien sûr).
Vous l'avez compris, on suit Tomb Raider Florence dans son parcours de combattante à tomber raide… de fatigue (et j'arrête là la métaphore) en immersion dans le monde des « invisibles ». Vous savez, ces gens que vous croisez le soir au bureau, passant l'aspirateur, donnant un dernier coup de chiffon en essayant de ne pas trop déplacer les dossiers éparpillés autour de votre PC. Après avoir lu ce livre, peut-être ne regarderez-vous plus ces invisibles de la même façon.
Florence Aubenas la journaliste médiatique dans le rôle de d'Aubenas Florence, l'invisible, la précaire, la travailleuse pauvre, même nom, même prénom, même date de naissance (car elle a conservé ses papiers), il est inconcevable qu'elle n'ait pas été démasquée, c'est dire à quel point les invisibles échappent au regard.
Florence Aubenas – la journaliste – parvient à éviter les principaux écueils de l'exercice. Elle témoigne et son récit reste factuel, littéraire, sensible et parfois même poétique. Elle évacue toute analyse pesante et froide, courbe du chômage, débat sociétal, conclusion macroéconomique, toute tentative d'explication de la « crise » et de ses conséquences. Elle a voulu parler de la crise d'une façon différente. Elle évite la condescendance et le militantisme. Sans moquerie ni flatterie, avec beaucoup de pudeur, juste ce qu'il faut d'humour et d'autodérision, elle assume son rôle à fond et jusqu'au bout (elle s'est fixé comme objectif d'obtenir un CDI, qui mettra fin à son reportage).
Bien sûr, on pourra toujours lui reprocher que tout ça n'est pas vécu « pour de vrai », qu'elle n'appartient pas à cette « France d'en bas », à ces « Français qui se lèvent tôt », qu'elle ne peut donc ressentir comme eux les affres du chômage et l'incertitude de la vie précaire. Mais elle ne veut que mettre en lumière, sur le devant de la scène, cette population invisible, et sa sincérité et sa lucidité sur les limites de l'exercice ne font aucun doute.
Lorsqu'elle dévoilera son identité et son double jeu, la relation intime qu'elle aura pu nouer avec ses « collègues » et « amis » volera en éclat. Elle retarde et redoute ce moment. Ceux-ci se sentiront-ils trahis et trompés ? Il semble que non, le livre a été parfaitement accepté, et avec fierté, par les protagonistes du récit, et le succès remporté (250.000 exemplaires vendus et, parmi les lecteurs, beaucoup de non-lecteurs) est sans doute la meilleure démonstration de la légitimité et de la pertinence de sa démarche.
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On les appelle les travailleurs précaires, les premiers de cordée ou de corvée, c'est selon..., les "sans-dents", expression qui a mis le feu aux poudres sur les réseaux sociaux. En tout cas, ils sont dans une invisibilité sociale sur laquelle le mouvement des "gilets jaunes" a permis de lever le voile. Une dizaine d'années avant, Florence Aubenas, dans le quai de Ouistreham, leur a donné la parole, à travers un récit témoignage plein de vie et de rires mais aussi de bruit et de fureur.
Pour ce faire, elle a partagé l'existence d'agents de nettoyage dans la région de Caen, région sinistrée sur le plan économique depuis la crise de 2008 et durement éprouvée par le chômage. Elle s'est fait passer pour une bachelière sans qualification professionnelle et sans ressources depuis qu'elle s'est fait plaquer par son compagnon.
Outre le fait que son récit est extrêmement bien documenté sur le plan des fermetures d'usines et des luttes sociales de cette région, sa plume gouailleuse s'en donne à coeur joie dès qu'il s'agit d'épingler l"usine à gaz" qu'est devenu Pôle Emploi, avec quelques épisodes désopilants ou tragi-comiques qui laissent pourtant percevoir, sans pathos ni misérabilisme, l'état d'exaspération et/ou de désespoir de femmes ou d'hommes à bout de souffle et de ressources.
Ce que j'ai beaucoup aimé dans ce livre, c'est la galerie de personnages que Florence Aubenas nous donne l'occasion d'approcher au gré des contrats intérimaires qu'elle va décrocher, après avoir affronté comme tous les autres le parcours du combattant, depuis Pôle Emploi jusqu'à l'agence de nettoyage qui va leur permettre de décrocher non pas un emploi mais de "faire des heures". On va la suivre elle et ses compagnes d'infortune dans le nettoyage du ferry qui vient d'Angleterre, sous la houlette de Mauricette qui mène ses troupes avec la dureté d'un contremaître dans les champs de coton de Louisiane ! Car ne pas perdre une seconde est le maître-mot dans ce genre de travail. Et tant pis si le temps imparti au départ est dépassé : il ne sera pas payé... C'est ce qui arrivera à Florence et ses colistières au camping du Cheval Blanc, où elles seront régulièrement en dépassement d'horaires d'une ou deux heures. C'est à prendre ou à laisser comme l'explique avec résignation Mme Tourlaville avec laquelle Florence va travailler un certain temps. Il vaut mieux également ravaler son amour-propre et accepter de s'entendre dire qu'on est là "pour nettoyer la merde" ! Certaines comme Marilou se résignent et se réfugient dans un avenir fantasmatique avec une belle voiture, un emploi stable et des enfants... Des rêves bien modestes qui les aident à tenir le coup jusqu'au jour où elles craquent, démissionnent ou se suicident...
Deux portraits de femmes sont pourtant en rupture avec ce schéma. Celui de Victoria qui a créé sur le plan syndical la section des travailleurs précaires mais qui a finalement abdiqué devant le sexisme et le rejet qu'elle a senti dans ceux que l'on considère comme "l'aristocratie ouvrière". Celui de Françoise aussi qui "fait carrière" dans le ménage sans honte comme d'autres font carrière dans la finance !
Ce récit a été pour moi captivant car il donne chair à des données statistiques que l'on connaît sans appréhender vraiment ce que c'est que de "finir la semaine avec 8 euros" ou d'attendre de pouvoir se faire arracher toutes les dents à l'hôpital pour pouvoir se faire placer un appareil intégral complètement remboursé...
Florence Aubenas a cessé son enquête le jour où son objectif a été atteint : obtenir un CDI. Elle a écrit en avant-propos "A Caen j'ai gardé ma chambre meublée. J'y suis retournée cet hiver pour écrire ce livre".
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Voilà.
Je viens de quitter Caen et ce quai de Ouistreham auquel j'aurais du me rendre depuis quelques années déjà.
Merci, madame Aubenas, d'avoir rapporté ce reportage d'une valeur inestimable. Vous êtes la digne héritière et continuatrice de ces journalistes qui firent le renom de la presse française.
Vous avez rejoint, dans cette crise qui affaiblis encore plus les plus faibles, le peuple invisible des travailleurs précaires des entreprises de nettoyage.
Bien sûr, vous n'y êtes pas allé pour y rester à passer le lave-pont ad vitam éternam... Ce que quelques chroniqueurs babéliotes vous reprochent absurdement! Vous avez donné une voix , un visage et une humanité à celles et ceux qui oeuvrent au nettoyage dans des horaires impossibles, courant de contrats en contrats, contraints de briquer et faire briller dans des laps de temps plus que chichement mesurés.
Votre livre, Madame Aubenas, est instructif et nécessaire: Un témoignage soigneusement écrit par celle-là même qui a partagé la vie des précaires...
Celle qui a nettoyé les sanitaires sans rechigner à la tâche.
Un document de première main, dur, parfois désespérant mais avant tout humain.
C'est celà, l'oeuvre d'un journaliste, et je vous en remercie infiniment.
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Grand reporter au Nouvel Observateur, la journaliste Florence Aubenas a toujours, dans les nombreuses affaires qu'elle a couvertes, revendiqué d'un engagement citoyen, d'une volonté de faire entendre les voix de ceux que l'on n'entend jamais.
Reportages en Afghanistan ou au Rwanda, otage en Irak en 2005, procès d'Outreau, conditions de détention dans les prisons….elle a été de tous les combats sociaux, sur tous les fronts, et est devenue l'une des figures majeures du journalisme d'investigation en France.

Parce que ces derniers temps on a beaucoup parlé de la crise, elle a décidé de mener sa propre enquête pour témoigner de ce qu'est, aujourd'hui, le marché du travail dans la France d'en bas.
Comme en son temps le journaliste indépendant Marc Boulet avec « Dans la peau d'un Intouchable » ou l'allemand Gunther Wallraff avec « Tête de turc », c'est un travail en immersion qu'a réalisé Florence Aubenas, au plus près de la « basse humanité », à savoir la cohorte des anonymes qui se démènent sans compter pour moins de 700 € par mois.
Elle est donc partie dans une ville française, rechercher anonymement du travail.
C'est dans la ville de Caen qu'elle a posé ses valises et s'est inscrite au chômage avec pour mission d'arrêter son enquête le jour où elle trouverait un CDI.
Sa quête a duré 6 mois, de février à juillet 2009. Ce récit raconte son parcours.

Propos pertinents, observations justes et subtiles des aberrations du système, portraits plein de finesse, de sensibilité et de drôlerie de ses compagnons d'infortune, Florence Aubenas s'est très consciencieusement immergée dans son rôle de femme sans qualification en recherche d'emploi.
Des rendez-vous à Pôle-Emploi en passant par les réunions de formation ou les salons de l'emploi, c'est le long chemin de croix du chômeur que l'auteur nous raconte, un véritable parcours du combattant, une quête chaotique et bancale pour trouver ce qui, aujourd'hui, fait de plus en plus défaut : un travail sûr et stable, un CDI.
A la clé, c'est bien souvent un emploi des plus précaires, tout au plus quelques heures de ménage où il faudra avaler plusieurs dizaines de kilomètres de bitume, que les plus chanceux arriveront à dégoter sans se plaindre, avec cette incroyable énergie dont savent faire preuve les plus démunis.
Qu'on ne se méprenne pas, « le quai de Ouistreham » n'est pas un livre triste destiné à faire pleurer dans les chaumières.
Bien au contraire, ce récit profondément sensible et humain, qui se lit avec la facilité d'un roman, est un récit de vie dans lequel Florence Aubenas, avec une grande empathie, sait montrer les petites joies, les faiblesses, les déterminations, le sens de la débrouille et du partage.
Un témoignage social que l'amitié et la solidarité viennent alléger…en pied-de-nez.
Un livre authentique que beaucoup devraient lire….
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critiques presse (2)
LeFigaro
05 septembre 2011
C'est un témoignage à la fois simple et extraordinaire. [...] Un magnifique «roman-reportage», qui a d'ailleurs obtenu le Prix Joseph-Kessel.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeFigaro
02 septembre 2011
Un magnifique «roman-reportage», qui a d'ailleurs obtenu le Prix Joseph-Kessel.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (116) Voir plus Ajouter une citation
- Je sais que je n'ai pas de rendez-vous, mais je voudrais juste vous demander de supprimer mon numéro de téléphone sur mon dossier. J'ai peur qu'un employeur se décourage, s'il essaye d'appeler et que ça ne répond pas.
- Pourquoi ? demande l'employée, qui est aujourd'hui une blonde de petite taille.
- il ne marche plus.
- Qu'est-ve qui ne marche plus ?
- mon téléphone.
- Pourquoi il ne marche plus ?
- On me l'a coupé pour des raisons économiques.
- mais vous ne pouvez pas venir comme ça. Il faut un rendez-vous.
- bon, on va se calmer. Je recommence tout : je voudrais un rendez-vous, s'il vous plaît, madame.
La jeune femme blonde paraît sincèrement ennuyée. "je suis désolée, monsieur. On ne peut plus fixer de rendez-vous en direct. Ce n'est pas notre faute, ce sont les nouvelles mesures, nous sommes obligés de les appliquer. Essayez de nous comprendre. Désormais, les rendez-vous ne se prennent plus que par téléphone.
- mais je n'ai plus le téléphone.
- il y a des postes à votre disposition au fond de l'agence, mais je vous préviens : il faut appeler un numéro unique, le 39 49, relié à un central qui vient d'être mis en place. Il est pris d'assaut. L'attente peut-être longue.
- Longue ?
- Parfois plusieurs heures.
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Au bout d'un moment, on ne cavale plus du tout. On n'a même plus la force de se faire des clins d’œil, hébétées, affolées par notre propre impuissance et la certitude de voir le retard s'aggraver.
J'aperçois Françoise, près du bungalow 21, une autre collègue. Elle a tout posé devant elle, le vinaigre blanc, le détergent bio, le tampon Jex, le liquide vaisselle, le désinfectant toilettes, les balais, les serpillères, les torchons, le chiffon en jersey et un tas d'autres choses que j'oublie. Tranquille, elle sort son paquet de cigarettes sous la pluie, d'un geste ample. J'entends cliqueter la molette du briquet, je vois la petite flamme lutter contre le vent et l'averse, puis le tabac, finalement, qui s'allume. Françoise a dû être cow-boy dans une vie antérieure. Un des dragons passe à bicyclette et crie, sans arrêter de pédaler : "Le rouleau de papier hygiénique qui a roulé devant la porte, c'est normal ? " Françoise ne tressaille pas, elle garde les yeux fixés sur un troupeau de nuages noirs qui filent à toute vitesse le long de la ligne d'horizon. Elle annonce : "Je m'en fume une, allez." Et, comme si elle était au paradis, l'éternité devant elle, elle souffle, au-dessus de sa tête, une volute avec un courage que nous lui envierons à jamais.
On termine vers 15h30, péniblement. On n'a rien mangé depuis le matin, on n'arrive plus à porter nos seaux, on n'a même pas eu le temps d'aller aux toilettes, on sent monter une rage éperdue et désordonnée. C'est la seule fois où nous verrons les deux dragons rigoler. "Quand M. Mathieu a dit que vous auriez fini à 13H30, on savait que vous n'y arriveriez pas."

p 104-105 (Points)
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Marilou a mal aux dents, elle a toujours eu mal aux dents. Dans ces cas-là, le dentiste lui semble la plus périlleuse des solutions. Trop compliqué, trop douloureux, trop cher, une idée d'un autre monde en somme. Elle se tient la joue et la contrariété rend son visage rond encore plus enfantin : "De toute façon, si un dentiste m'approche, je le frappe."
L'autre soir, en rentrant du ferry, elle a appelé SOS Médecins, on lui a donné des calmants, pour patienter. Elle attend que toutes ses dents soient pourries pour les faire arracher à l'hôpital, d'un coup, sous anesthésie générale. "Tout le monde fait ça, maintenant." Elle me regarde comme si je débarquais de la Lune. Son homme y est déjà passé. On se réveille après l'opération, tout est parti sans qu'on se rende compte de rien, on rentre chez soi très vite, on mange de la purée pendant un mois, puis on commande un appareil intégral, que la Sécurité sociale rembourse. On est tranquille pour la vie.
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les autres employés arrivent...Personne n'a assez dormi , chacun garde le nez dans son reste de sommeil, le visage sans couleurs et encore froissé de la nuit, les cheveux alourdis. Peu de mots, même pour demander une cigarette. Quand l'un sort un paquet, les regards quêtent, les mains se tendent, des hochements de tête miment un merci, parfois un reniflement. Les gestes ressemblent à des frissons , tremblants et raides, tendus contre l'humidité qu'on sent prête à se faufiler entre les couches de vêtements, à chaque mouvement, comme des doigts glacés jusqu'à la peau tiède.
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- "C'est une séance d'information sans information en somme ?"
Un conseiller avait fini par leur expliquer les "consignes" qui leur étaient données, ici comme ailleurs, et depuis longtemps : les chiffres du chômage doivent s'améliorer, quoi qu'il arrive. Cette réunion en était un des moyens. On convoque un e catégorie de chômeurs, cadres, RMistes, peu importe. Une partie ne viendra pas, et sans justificatif, c'est statistique. Ils seront radiés. " Ce n'est pas grave", avait tempéré le conseiller. Ils peuvent se réinscrire après, s'ils veulent, mais cela permet de faire chuter les chiffres, même pour quelques jours. Le conseiller , qui s'était mis à parler à regret, avait tout déballé, les petites combines pour masquer les chiffres, les contrats pour les collectivités avec des abattements de charges, les formules bidons pour les jeunes, ou les aides au temps partiel qui poussent l'employeur à embaucher deux mi-temps plutôt qu'un temps plein. Il disait qu'il regrettait, que ce n'était pas leur faute. Ce n'était pas lui qui truandait, c'est tout le système qui voulait ça.
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Videos de Florence Aubenas (67) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Florence Aubenas
Plus qu'un petit mois avant le salon... En attendant, voici l'aftermovie de la 18e édition de Lire en Poche Gradignan, sur la thématique " Un autre monde ? " marrainée par Florence Aubenas
Vidéo : réalisée par Vincent DEBAST Musique : Jazz Art Quartet- Intermittenze
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