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Citations sur Josée Meunier, 19, rue des Juifs (9)

Un jour ils ont parlé de M. Flaubert, ce bourgeois réactionnaire dont Georgette aime tant les livres, et, en regardant le lit d’enfant dans ce qui est devenu la chambre d’Albert, elle lui a raconté la mort du petit Félix, le premier enfant des Meunier. Il avait deux ans, il toussait, les parents avaient d’abord cru à un rhume, mais il toussait trop, sa respiration était de plus en plus courte. Josée s’était affolée, elle avait pris son enfant dans les bras, enroulé dans une couverture, c’était en décembre, un décembre glacial, et elle avait couru, oui, couru, jusqu’à l’hôpital Sainte-Eugénie, deux kilomètres à perdre haleine, le petit Félix, le visage bleuâtre, pendu à son cou, le regard désespéré. C’est le croup, avait dit l’officier de santé. L’enfant avait détourné la tête pour repousser la cuillère d’ipécacuana, et il avait cessé de respirer. Des années après, nous avons lu L’Éducation sentimentale et elle m’a dit qu’elle trouvait les femmes riches bien heureuses, elles ne tombent amoureuses que parce qu’elles s’ennuient, leurs enfants ne tombent malades que lorsqu’elles tombent amoureuses, et, dans ces histoires de riches, les enfants qui ont le croup ne meurent pas, et nous, les travailleurs manuels, nous ne pouvons pas avoir des états d’âme comme en ont les bourgeois dans ces romans ? (p.52)
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On recommence ici à mourir comme avant les massacres de mai. Plus de coups de chassepot ou de mitrailleuse. Nous avons eu des accidents de charrette une femme de la rue des Rosiers qui s’est jetée dans la Seine parce que son mari est emprisonné sur un ponton dans la rade de Brest (…) Nous ne savons rien de la petite madeleine Alary qui est partie il y a deux mois. Etienne a été condamné à la déportation. »
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Et ce n'est pas vrai, dit-elle, tu n'es pas rien, tu es un ouvrier bronzier, tu as organisé les sociétés ouvrières, tu as fait fonctionner la poste à Paris; il dit qu'ici, il n'est plus rien, même pas un bon ouvrier.
Nous avons notre histoire, mais, dit-elle, tu dissimules la tienne au fond de tes souvenirs, tu vas la laisser se perdre;
ne recommence pas, dit-il, je ne peux pas;
ne crois pas que les versaillais vont raconter ce que tu as vu, toi;
je le sais bien et je sais aussi que sans doute tu as raison, mais crois-moi, je ne peux pas, et pour la première fois, il lui dit qu'il a essayé, déjà, avant même qu'on le lui demande, quand j'étais caché chez toi, j'ai vraiment essayé et, je t'assure, je ne pourrai pas écrire.

Alors, raconte-moi, et j'écrirai, moi.

(p.120)
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Jacques a dit qu'il y avait beaucoup d'histoires à raconter ici, ce qui était une façon d'arrêter la conversation. C'est alors pourtant que Josée a parlé de l'étage du dessus, où elle avait habité quelque temps avec sa mère. c'était la première chose personnelle qu'Albert lui entendait dire. Elle l'a regardé et a ajouté que, de là, on voyait le génie doré de la Bastille par-dessus les toits, et Albert a corrigé doucement, le Génie de la Liberté, oui, la liberté, a-t-elle dit. Il aurait voulu lui raconter que le matin il avait pleuré en voyant un petit nuage blanc traverser le morceau de ciel bleu au-dessus de la cour, mais elle a dit qu'il était tard et Jacques a dit que demain il y avait du travail, alors ils ont débarassé la table en silence et elle a lavé la vaisselle. (p.51)
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- Là, a dit Pierre, nous sommes comme dans un conte arabe où l'une raconte une histoire dans laquelle une autre raconte... (p.48)
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Utiliser le bon mot, c’est déjà commencer à comprendre, cesser de subir, avait-elle dit ensuite.
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Ils vont le condamner. Ils vont lui trouver une figure d’insurgé, c’est-à-dire de prolétaire. Il ne peut pas se défendre contre ça. Et ils vont lui faire signer des papiers qu’il n’aura même pas pu lire.
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Elle avait presque vingt ans lorsqu’elle a rencontré Jacques Meunier. Pour la première fois un homme dont la présence ne la remplissait pas de terreur. Avec douceur, patience et gentillesse, il lui a appris la tendresse.
La voici qui, à l’âge de trente ans déjà, découvre la violence du désir. Jacques a cru, c’est pour cela qu’il n’a pas tenté de s’opposer à son départ, tous les autres croiront aussi et diront qu’elle s’est dévouée, comme elle l’a toujours fait, naguère pour ses frères et sœur, puis pour sa mère, pour son mari et ses enfants, et maintenant pour un amant. Mais non, ce n’est pas par dévouement qu’elle est, désormais, serrée contre lui. Peut-être ne le savait-elle pas elle-même quand elle est montée dans le train, mais maintenant, elle le sait, et Albert le sait aussi.
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— Mais je parle de 48. On s’est donc débarrassés du roi. C’était la dernière fois.
— Presque, a dit Pierre.
— Espérons, a dit Albert. Et cette fois, les barricades étaient victorieuses.
— C’était la dernière fois, a dit quelqu’un.
— Parce que les bourgeois étaient avec nous. Passez-moi vos assiettes, a dit Jacques.
— Ils n’étaient pas vraiment sur les barricades. C’est quand même toujours nous qui nous faisons casser la gueule, a dit Pierre.
— Et remercier par des coups de pied au derrière.
— Ils disent « le peuple » et ils pensent « nous ».
— On a planté des arbres de la liberté. Nous avons même eu un curé qui a parlé de la république démocratique et sociale avant de bénir notre peuplier, à Saint-Paul. Et puis, à peine quatre mois ont passé, et il y a eu Juin.
— L’ambiance avait changé, a dit Madeleine.
— Le quartier était hérissé de barricades. Cette fois, le père Caput se battait place Royale, qu’on appelait place des Vosges, avec des centaines d’insurgés du quartier. Ils avaient défait cinq compagnies du 18e léger et tenaient la place. Le combat avait été rude. Il y avait des amas de corps en uniforme ou en blouse dans le jardin, derrière les grilles.
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