Elles ont vingt ans, ou trente, ou un peu plus, en 1934 et un peu après. Elles s'appellent Mademoiselle Haas. Elles sont bibliothécaire, concierge, cuisinière, coiffeuse, première main flou, fraiseuse, infirmière, écrivaine, femme de chambre, institutrice, journaliste, femme de ménage, chef de travaux, ouvrière métallurgiste, libraire, pianiste, physicienne, ourdisseuse, sage-femme, vendeuse (...)
Elles travaillent. Presque toutes avec leurs mains – mains de sage-femme, mains d'ouvrière, mains de pianiste. Elles sont auxiliaires, adjointes, temporaires, mademoiselles. Elles rêvent. Elles vivent, dans la joie et dans la peine, une histoire qui, au fil des ans, s'emplit de bruit et de terreur.
Elles rêvent. Elles vivent, dans la joie et dans la peine, une histoire qui s'emplit de bruit et de terreur. Leur travail est ignoré des livres d'histoire.
Elles y sont invisibles. Oubliées. Omises, plutôt. (p.9-10)
"Tu te souviens des petites Soudanaises?
-Les gamines avec les métiers à tisser? Oui, bien sûr. Et tu m'as demandé ce que je trouvais le plus exotique, des fillettes noires ou des femmes que l'on regarde travailler?
-Oui. Il n'y avait aucun pavillon où l'on montrait des ouvrières françaises "blanches" au travail.
-C'était une exposition coloniale.
-Et toi , tu te demandais qui était dans le zoo, et qui regardait qui? Les Soudanaises ou nous, les visiteurs?..."